Le chapitre 55 sert de conclusion à la section d’Isaïe souvent surnommée « Deutéro-Isaïe » (chapitres 40-55).
Ce chapitre doit être lu, compris et considéré à la lumière du beau langage poétique caractéristique de toute cette section. Dans cette collection, les nations sont mises à l’épreuve (chapitre 41), les idoles sont moquées (chapitre 46) et le serviteur est appelé. Mais tout cela doit être entendu à la lumière du chapitre 40 et de l’annonce d’un nouvel exode vers Jérusalem où « la gloire du Seigneur sera révélée et tous les peuples la verront ensemble » (40, 5). Le chapitre 55 revient sur le thème d’un nouvel exode mais avec de nouveaux thèmes articulés.
Dans les versets 1-3a, l’auteur emploie douze impératifs : inciter, appeler et exhorter les fidèles à reconnaître la plénitude de ce moment et la plénitude de Dieu. Dans le monde antique, lorsqu’un nouveau roi accédait au trône, il émettait souvent un édit de mišarum, déclarant une libération de toutes les dettes. Dans le cadre de cet édit, le roi appellerait également à un grand banquet pour le peuple de ce royaume. Les deux événements, l’édit et le banquet, ont marqué un nouveau jour sous un nouveau roi. Les premières lignes du chapitre 55 rappellent à l’auditeur un tel banquet et, plus important encore, la signalisation d’un nouveau jour.
Le verset 1 appelle le peuple aux eaux. Sans doute, la référence aux » eaux » fait-elle allusion aux eaux de Jérusalem, aux eaux fructifiantes de Sion, mentionnées dans d’autres textes bibliques (cf. Ézéchiel 47:1-12; Joël 3:18; Zacharie 14:1-11). La signification de ces versets ne réside pas dans ce qui est servi lors de ce grand banquet (vin, lait, pain et nourriture riche), mais dans le fait qu’il s’agit de la provision de Yahvé pour les gens assoiffés (cf. Psaume 42).
Ces versets font-ils référence à une disposition matérielle ou spirituelle? La réponse semble être « oui. » Plus tôt dans Isaïe (8:7; 12:15), on dit que la joie d’Israël est de manger et de boire devant le Seigneur — se prélasser dans la plénitude de Dieu. Évidemment, les deux premiers versets ont une poussée métaphorique, mais à certains égards, la métaphore fonctionne comme un double sens, leur rappelant la joie de manger et de boire en présence de Dieu.
L’appel pour qu’ils « écoutent » Yahvé dans le verset 2b suggère que plus qu’une simple disposition matérielle est en vue. Les gens doivent écouter ce que l’Éternel est sur le point de dire, suggérant que la parole de l’Éternel est en effet la « substance » de la vie. Un tel point est encore plus clair dans 3a: « Écoutez, afin que vous viviez. »Pour un peuple qui avait bu profondément des eaux de la déportation, de l’exil et de l’éloignement, cette invitation à retourner dans les eaux de Sion signalait un nouveau jour.
La parole du SEIGNEUR est annoncée au peuple dans les versets 3b-5. Dans les chapitres 40 à 54, David ou la ligne davidique n’est pas en vue ; l’accent est mis sur la restauration future du peuple de Dieu. Au verset 3b, cependant, l’auteur invoque le nom de David, et même l’alliance éternelle conclue avec David, mais au lieu d’annoncer un roi sortant de la lignée de David, l’auteur fait un geste radical. L’alliance éternelle faite avec David (2 Samuel 7) est maintenant transférée au peuple. Les exigences d’alliance assumées par le Seigneur dans 2 Samuel ne deviennent pas une relique de l’antiquité, mais elles deviennent nouvellement activées dans la vie de cette génération. Tout comme David avait été témoin, chef et commandant pour les peuples, cette nouvelle génération de serviteurs le sera également (54:17). Ces serviteurs travailleront avec le Seigneur pour créer un monde correctement ordonné – un monde expressément envisagé plus loin au chapitre 65.
Les versets 6-7 appellent le peuple à la repentance. Un tel appel peut sembler étrangement placé dans ce chapitre, mais il signale à nouveau l’ouverture de Dieu pour l’avenir de son peuple. Dans les versets 3b-5, le Seigneur a annoncé le plan pour son peuple ; les versets 6-7 sont une invitation ouverte à ceux qui désirent participer. Même pour les méchants et les injustes, il y a de l’espoir. S’ils reviennent à lui, il pardonne librement. Eux aussi seront inclus dans cette œuvre de Dieu.
Les déclarations de Dieu données dans les versets 8-9 anticipent sans doute les questions qui peuvent résulter de la parole du Seigneur. Qu’est-il arrivé à la lignée Davidique et aux promesses qui leur ont été faites ? Comment l’alliance davidique peut-elle être donnée aux serviteurs ? Comment Dieu peut-il permettre aux méchants et aux injustes de faire partie de cette nouvelle œuvre ?
La réponse se trouve dans l’affirmation que les pensées de Dieu ne sont pas des pensées humaines, et que les voies humaines ne sont pas les voies de Dieu. Ces versets sont souvent sortis de leur contexte et appliqués à une myriade de circonstances, mais ici le sens est plutôt simple. Ce qui peut sembler tout à fait improbable peut en fait être la fidélité de Dieu à ses propres plans et desseins.
Les thèmes d’Isaïe reflètent l’orientation générale du Carême. En quelque sorte, le Carême est une invitation à la soif. Ceux qui ont vraiment soif et qui ont vraiment faim de Dieu et des voies de Dieu (Matthieu 5) comprennent cette invitation. L’invitation, cependant, est de faire plus que simplement boire des eaux (verset 1), mais c’est de participer à l’œuvre de Dieu. C’est une œuvre qui s’adresse plus qu’à la simple vie intérieure, mais une œuvre qui commence à l’intérieur et qui a des implications pour tout le monde de Dieu (verset 5).
Le Carême nous appelle à « chercher le Seigneur » et à « l’invoquer » (verset 6). Le Carême est une invitation et un rappel que cette œuvre surprenante de Dieu nous est ouverte à tous, méchants comme injustes, si nous retournons vers le Dieu qui pardonne abondamment.