L’une des qualités les plus étonnantes du livre de prières juif est que les mots, écrits il y a plusieurs siècles, peuvent être compris et appréciés différemment par chaque génération. Non seulement les premiers auteurs de notre livre de prières possédaient un vif aperçu de la façon dont le peuple juif réagirait à nos textes sacrés, mais ils semblaient être prémonitoires pour anticiper la façon dont les générations futures pourraient les reconsidérer.
Cela n’est nulle part plus évident que dans les mots familiers qui introduisent le service de la Torah le Chabbat et les fêtes. Alors que nous nous préparons à lire la Torah, et avant même d’ouvrir l’arche elle-même, nous chantons Ein Kamocha, une longue série de passages bibliques qui parallèles à notre compréhension de la Torah elle-même.
On commence avec cette ligne de Psaume 86:6:
אֵין כָּמוֹךָ בָאֱלֹהִים אֲדֹנָי וְאֵין כְּמַעֲשֶׂיךָ
Ein kamocha va-Elohim, Adonaï, v ien k ma-asecha.
Il n’y en a pas comme Toi, Seigneur notre Dieu, et rien ne se compare à Ta création.
Les auteurs du livre de prières auraient pu choisir n’importe quel nombre de versets pour préfacer la lecture publique de la Torah. Alors pourquoi celui-ci?
Ein Kamocha met en perspective tout ce que nous ressentons à propos de Dieu, du judaïsme et de la Torah. Beaucoup d’entre nous peuvent trouver les textes juifs troublants et difficiles à comprendre. Nous pouvons nous demander qui les a écrits et essayer d’enquêter sur la source de ces mots sacrés. Plus important encore, chaque génération successive peut interpréter et appliquer les préceptes et les mitsvot de différentes manières.
Mais une chose nous unit tous : nous vivons dans le cadre de Dieu. Nous insistons sur le fait que, par suite de l’ouverture de la ligne avec ces mots qui nous lient à jamais:
מַלְכוּתְךָ מַלְכוּת כָּל עוֹלָמִים וּמֶמְשַׁלְתְּךָ בְּכָל דּוֹר וָדוֹר
Malchutcha malchut kol olamin, u-memshal-t cha b’dor salvador.
Votre souveraineté est éternelle; Votre domination perdure à travers toutes les générations.
Nous arrivons alors à l’une des lignes les plus magnifiques de tout le livre de prières:
.ה’ מֶלֶךְ. ה’ מָלָךְ. ה’ יִמְלֹךְ לְעוֹלָם וָעֶד
Adonaï melech, Adonaï malach, Adonaï yimloch l’olam vaed.
Dieu règne ; Dieu a régné ; Dieu régnera pour toujours et à jamais.
Ce beau texte, poétique dans sa simplicité parallèle, est une manière sublime de décrire la qualité intemporelle de Dieu. Mais un regard attentif nous montre que l’auteur de cette prière prend une licence poétique et s’amuse avec les mots. En conséquence, nous pouvons discerner un message puissant sur la façon dont nous pouvons interpréter la Torah et se rapporter à ses paroles.
Alors que les autres lignes d’Ein Kamocha sont tirées directement de la Bible, ce verset particulier n’existe pas du tout. Au lieu de cela, il s’agit d’un mashup de plusieurs textes disparates.
« Adonaï melech » vient du Psaume 10. « Adonaï malach » du Psaume 93. Et « Adonai yimloch l’olam vaed », du 15ème chapitre de l’Exode.
Imaginez la chutzpah de prendre les paroles de Dieu et de les assembler dans une séquence unique. L’importance pour nous est que cette pièce d’innovation liturgique nous donne la liberté de faire la même chose.
Alors que nous commençons le service de la Torah et nous nous préparons à entendre les paroles sacrées de la partie hebdomadaire, ce passage décrivant l’omniprésence de Dieu à travers le temps sert de message à toutes les générations que le texte n’existe pas dans un endroit lointain. Les paroles de la Torah existent organiquement. Ce sont des êtres vivants que nous sommes habilités à réinterpréter. Ce passage bien connu nous fournit un modèle de la façon dont nous pouvons nous connecter à la Torah à travers l’étendue du temps. Nous avons continuellement l’obligation et le privilège d’interpréter et d’adapter les mots tels que nous les entendons.
Tout comme Dieu est, était et sera souverain, de même la Torah est éternelle, ses paroles résonnant pour toujours différemment pour chacun de nous.