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JEAN GASPARD DEBURAU – LE PIERROT TRAGIQUE
Jean-Gaspard Deburau (Jan Kašpar Dvořák; 31 juillet 1796 – 17 juin 1846), appelé aussi Debureau, était un célèbre mime franco-tchèque. Il se produit d’environ 1819 à l’année de sa mort au Théâtre des Funambules, immortalisé dans le film poétique-réaliste LES ENFANTS DU PARADIS (1945) de MARCEL CARNÉ, où il apparaît (sous son nom de scène,  » Baptiste « ) comme un personnage majeur. Sa création pantomimique la plus célèbre était Pierrot — un personnage qui a servi de parrain à tous les Pierrots du théâtre et de l’art romantiques, Décadents, symbolistes et modernistes du début.
Né à Kolín, en Bohême (aujourd’hui République tchèque), Deburau est le fils d’une servante tchèque Kateřina Králová et d’un ancien soldat français, Philippe-Germain Deburau, originaire d’Amiens. Quelque temps avant 1814, date de son apparition à Paris, Philippe était devenu showman, et avait commencé à se produire à la tête d’une troupe nomade probablement composée, au moins en partie, de ses propres enfants. Lorsque la compagnie est engagée, en 1816, par le directeur des Funambules pour des numéros mimés et acrobatiques, le jeune Deburau est inclus dans la transaction.
Il y a probablement commencé sa vie professionnelle en tant que stagehand. Les historiens du mime et des Funambules s’accordent à dire que ses débuts en tant que Pierrot n’ont pas eu lieu avant 1819, peut-être aussi tard que 1825. Sa « découverte  » par le public féru de théâtre n’a en tout cas eu lieu qu’en 1828, lorsque l’influent écrivain Charles Nodier a écrit un panégyrique sur son art pour La Pandore. Nodier persuade ses amis, compagnons de lettres, de visiter le théâtre ; le journaliste Jules Janin publie un livre d’éloges, intitulé Deburau, histoire du Théâtre à Quatre Sous, en 1832 ; et au milieu des années 1830, Deburau est connu du  » tout Paris « . Théophile Gautier a écrit de son talent avec enthousiasme (« le plus parfait acteur qui ait jamais vécu »); Théodore de Banville a dédié des poèmes et des croquis à son Pierrot; Charles Baudelaire a fait allusion à son style d’acteur pour comprendre « L’Essence du rire » (1855).
Il semble avoir été presque universellement aimé par son public, qui comprenait les hauts et les bas, à la fois les poètes romantiques de l’époque et les « enfants du paradis » de la classe ouvrière, qui s’installaient régulièrement dans les sièges les moins chers (qui étaient aussi les plus élevés: le « paradis ») de la maison. C’est devant ce public d’artistes et d’artisans qu’il se retrouve dans son seul véritable élément : quand, en 1832, il porte sa pantomime au Palais-Royal, il échoue spectaculairement. L’occasion était une représentation-bénéfice d’une pantomime jouée plus tôt — avec un grand succès — aux Funambules, et comprenait des acteurs, non seulement des Funambules, mais aussi du Gymnase, de l’Opéra et du bastion du haut art dramatique, le Théâtre-Français. Louis Péricaud, le chroniqueur des Funambules, écrit que  » jamais il n’y eut un plus grand désastre, une déroute plus complète pour Deburau et ses compagnons-artistes. » Deburau lui-même fut sifflé, et il fit le vœu de jouer par la suite devant aucun autre public que ces  » naïfs et passionnés  » habitués du Boulevard du Crime.
Mais une partie de ce public, aussi admiratif soit-il, commit l’erreur de confondre sa création avec son personnage, et un jour de 1836, alors qu’il se promenait avec sa famille, il fut raillé comme un  » Pierrot  » par un garçon des rues, avec des conséquences laides : le garçon mourut d’un coup de sa lourde canne. Le biographe de Deburau, Tristan Rémy, soutient que l’incident jette en relief le côté sombre de son art.  » La bouteille « , écrit Rémy,  » dont il révéla en souriant l’étiquette  » Laudanum  » après que Cassandre l’eut vidée, le dos du rasoir qu’il passa sur le cou du vieil homme, étaient des jouets qu’il ne pouvait pas se laisser prendre au sérieux et ainsi mettre à l’épreuve sa patience, sa réserve, son sang-froid. » Et Rémy de conclure :  » Quand il a poudré son visage, sa nature, en fait, a pris le dessus. Il se tenait alors à la mesure de sa vie — amer, vindicatif et malheureux. »
Au tribunal, il a été acquitté de meurtre. Carné remarqua :  » S’ensuivit un procès dans lequel le tout Paris se pressait pour entendre la voix du célèbre Debureau. » Le compositeur Michel Chion a nommé cette curiosité pour une voix l’effet Deburau. L’idée d’un effet Deburau a été étendue à tout appel de l’attention de l’auditeur à un son inaudible — qui, une fois entendu, perd de son intérêt.
À sa mort, son fils Jean-Charles (1829-1873) reprend son rôle et fonde plus tard une  » école  » de pantomime, qui fleurit dans le sud de la France, puis, à la fin du siècle, dans la capitale. Une ligne peut être tracée de cette école au Bip de Marcel Marceau.
Jean-Gaspard Deburau est enterré au cimetière du Père Lachaise à Paris
RÔLES DE PERSONNAGES
Dans une revue d’une pantomime aux Funambules après la mort de Deburau, Gautier reproche au successeur du mime, Paul Legrand, de s’habiller  » moitié en Colin d’opéra-comique, moitié en chasseur tyrolien « , dégradant ainsi le Pierrot de Baptiste. On lui répondit par une lettre du directeur des Funambules, qui souhaitait désarmer le poète de son  » erreur  » : « … nous avons une trentaine de pièces interprétées par Debureau dans différents costumes, et Paul a simplement poursuivi la pratique… « .Pierrot n’est pas la seule création de Baptiste. Comme l’a souligné Robert Storey, qui a été l’élève le plus assidu du répertoire du mime, Deburau a joué dans de nombreuses pantomimes sans lien avec la Commedia dell’Arte:
Il fut probablement l’élève-marin Blanchotin dans Jack, l’orang-outang (1836), par exemple, et le fermier Cruchon dans Le Tonnelier et le somnambule (fin 1838 ou début 1839), et le chevrier Mazarillo dans Fra-Diavolo, ou les Brigands de la Calabre (1844). Il était certainement le comique à la Jocrisse d’Hurluberlu (1842) et la recrue engagée et naïve Pichonnot des Jolis Soldats (1843).
À l’instar des différentes incarnations de CHAPLIN, qui ont toutes une certaine ressemblance avec le Petit Clochard, ces personnages, bien que singuliers et indépendants, ont sans doute frappé leur public comme Pierrot. Car Deburau et Pierrot étaient synonymes dans le Paris de la France post-révolutionnaire.
LE PIERROT de ses prédécesseurs aux Funambules — et celui de leurs prédécesseurs aux Foires Saint-Germain et Saint-Laurent du siècle précédent — avait été très différent du caractère que Deburau finit par concevoir. Il avait été à la fois plus agressif dans ses acrobaties (sa  » surabondance « , selon Péricaud,  » de gestes, de sauts « ) que la création  » placide  » de Baptiste, et beaucoup moins agressif dans son audace et son audace. Le Pierrot de Saphir l’Enchanteur, Pantomime en 3 Parties (1817) est un type pré-Deburau typique. Paresseux et sans sexe, il préfère de loin se bourrer les tripes aux passe-temps amoureux d’Arlequin et de Claudine. Et quand l’héroïsme d’Arlequin semble sur le point de mettre fin aux machinations de l’Enchanteur, la stupidité de Pierrot précipite presque le désastre. Même lorsqu’il invoque la débrouillardise et la débrouillardise pour initier ses propres actions, comme il le fait dans Le Génie Rose et le Génie Bleu, ou Les Vieilles Femmes Rajeunies (1817), il ne montre — selon les mots du Génie Rose à la fin de la pièce — « que les signes d’un cœur injuste et méchant », et est donc enterré dans une cage dans les entrailles de la terre.
Le Pierrot mature de Deburau n’a jamais engendré une telle dégradation. Le poète Gautier, pourtant grand admirateur du mime, lui reprocha après sa mort d’avoir  » dénaturalisé  » le personnage :  » il donnait des coups de pied et ne les recevait plus; Arlequin osait à peine se brosser les épaules avec sa chauve-souris ; Cassandre réfléchissait à deux fois avant de lui boxer les oreilles. »Deburau a redonné à Pierrot une partie de la force et de l’énergie du type italien Pedrolino (bien qu’il n’ait probablement jamais entendu parler de ce prédécesseur). Cela peut être dû en partie à ce que Rémy appelle la vindicte de la propre personnalité de Deburau; mais ce qui semble plus probable, c’est que, avec l’assurance qui vient avec un grand talent, Deburau a instinctivement forgé un rôle avec une présence scénique dominante.
Il a également changé de costume. Son chemisier et son pantalon en coton surdimensionnés le libéraient des contraintes de la robe en laine de ses prédécesseurs, et son abandon du col et du chapeau à volants donnait de l’importance à son visage expressif. Une calotte noire était sa seule parure austère.
Mais ses véritables innovations sont venues dans la pantomime elle-même. Ses biographes, ainsi que les chroniqueurs des Funambules, soutiennent que ses pantomimes se ressemblaient toutes. Les « scénarios naïfs » qui « limitaient » son jeu, selon son biographe tchèque, Jaroslav Švehla, « ne faisaient guère plus que se regrouper et répéter des situations traditionnelles, filiformes, primitives et dans de nombreux cas absurdes et des gags mimétiques (cascades), insultant même un goût légèrement raffiné. » Et Adriane Despot, auteur de  » Jean-Gaspard Deburau et la Pantomime au Théâtre des Funambules « , acquiesce :  » la plupart des pantomimes sont essentiellement les mêmes; ils partagent l’atmosphère d’aventures légères, à petite échelle et absurdes, animées de danses comiques, de batailles ridicules et de confrontations placées dans un cadre domestique ou banal. » Mais Despot ne connaissait qu’une poignée de scénarios, ces quelques-uns imprimés ; de loin le plus grand nombre, cinquante-six au total, sont en manuscrit aux Archives nationales de France. Et Švehla suit des lignes erronées en supposant que Deburau « aspirait à représenter un meilleur personnage » que Pierrot: Deburau était apparemment fier de son travail aux Funambules, le caractérisant pour George Sand comme un « art » (voir la section suivante ci-dessous). « Il l’aimait passionnément « , écrit Sand,  » et en parlait comme d’une chose grave « .
Le fait est que quatre sortes de pantomimes distinctes tenaient la scène des Funambules, et pour chaque Deburau créait un Pierrot maintenant subtilement, maintenant radicalement différent.
La Pantomime Rustique: Faisant un geste vers les racines de Pierrot en dehors de la Commedia dell’Arte, vers le Pierrot paysan de tradition bucolique (tel le Pierrot de Don Juan de Molière), l’action de ces scénarios se déroule dans un hameau ou un village. Pierrot est le héros: il est honnête, bon cœur, mais pauvre (et égoïste, comique naïf). Par un acte de courage, il est capable de surmonter les scrupules du père de sa bien—aimée — une Lisette, ou Finetta, ou Babette – et de la gagner au dénouement. Ces pièces sont apparues à la fin de la carrière du mime, toutes, sauf une, ayant été jouées pour la première fois dans les années 1840. Exemples : Les Cosaques, ou La Ferme Incendiée (1840); Le Mariage de Pierrot (1845).
La Mélo-Pantomime : Trouvant leur inspiration dans les mélodrames populaires de boulevard n’ayant aucun lien avec la Commedia dell’Arte, ces scénarios présentent Pierrot, non pas comme un héros, mais comme un subalterne — souvent un soldat, parfois un retable travaillant à l’emploi du héros de la pièce. Ils se déroulent dans des lieux exotiques — Afrique, Amérique, Malte, Chine — et l’action est (ou est censée être) terriblement dramatique, semée d’enlèvements crapuleux, d’affrontements violents, de sauvetages spectaculaires et de revers de fortune, souvent provoqués par l’intelligence et l’audace de Pierrot. Ils étaient également des ajouts relativement tardifs au répertoire. Exemples : La Pagode Enchantée (1845) ; Le Corsaire Algérien, ou L’Héroïne de Malte (1845).
La Pantomime réaliste : Ce sont les pièces avec lesquelles Despot semble le plus familier. Ils sont situés dans des lieux urbains banals (magasins, salons, rues publiques) et sont généralement peuplés de la bourgeoisie parisienne (commerçants, commerçants, valets). Pierrot est le centre d’attention dans ces scénarios, mais c’est un Pierrot qui est souvent très différent du personnage décrit jusqu’ici. « Libidineux et sans scrupules, écrit Robert Storey, souvent méchant et cruel, il n’est racheté que par son innocence criminelle. »Il vole à une bienfaitrice, profite outrageusement d’un aveugle, tue un colporteur pour se procurer les vêtements dans lesquels il prétend courtiser une duchesse. C’est le Pierrot décrit par Charles Nodier comme un  » Satan naïf et clownesque. » (Ce n’est que lorsque la pantomime a été écrite par Deburau lui—même, comme La Baleine de 1833, que nous rencontrons, comme on pouvait s’y attendre, un Pierrot moins diabolique – qui mérite en fait la main de Columbine.) Exemples: Pierrot et Ses Créanciers (1836); Pierrot et l’Aveugle (1841)
Le Jeu de Fées Pantomimique: La classe de pantomimes la plus grande et la plus populaire, dont il existe trois sous-classes:
Le Jeu de Fées Pierrotique Pantomimique: Pierrot est le seul personnage de la Commedia dell’Arte (sauf Cassandre, qui fait parfois une apparition). Comme l’action dans les autres sous-classes, l’intrigue se déroule ici au pays des fées, peuplé de sorciers et de sorcières, d’ogres et de magiciens, de fées et d’enchanteurs. Pierrot est généralement envoyé en quête, tantôt pour atteindre un but amatoire (pour lui-même ou son maître), tantôt pour prouver son courage, tantôt pour réparer une injustice. Les décors sont fantastiques et gothiques, l’action bizarre et frénétique, et la comédie très large. Exemples : Le Sorcier, ou Le Démon-Protecteur (1838); Pierrot et Croquemitaine, ou Les Ogres et les Marmots (1840).
Le Jeu de fées Pantomimique Arlequinesque : La base des pantomimes encore jouées à Bakken au Danemark. Dans le paysage décrit ci-dessus (et peuplé des mêmes esprits belligérants), Arlequin, l’amant, emporte Columbine, déclenchant une poursuite de son papa, Cassandre, et de son serviteur Pierrot. La fin de leurs aventures est, bien sûr, leur union, bénie à contrecœur par leurs poursuivants. Exemples : Pierrot Partout (1839); Les Trois Bossus (1842).
Le Jeu de Fées Pantomimique Arlequinesque à l’anglaise : Emprunte l' » ouverture  » de la pantomime anglaise du début du XIXe siècle : à la levée du rideau, deux prétendants se disputent pour la même jeune femme, et son père, avare, choisit la plus riche des deux. Une fée apparaît pour protéger les plus méritants sur le plan sentimental (Arlequin, après sa transformation) — et pour changer tous les personnages en types Commedia. Commence alors la poursuite. Exemples : Les Épreuves (1833); Amour et Folie, ou La Cloche Mystifiante (1840).
(Source : wikipedia)

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