Dans Beasts of Burden: Animal and Disability Liberation, l’artiste et activiste Sunaura Taylor parle de ses propres expériences vers une sorte de solidarité inter-espèces crip. La capacité humaine est souvent projetée sur les animaux, écrit-elle, alors qu’un projet plus libérateur serait » de revendiquer l’animal et le vulnérable en nous-mêmes. » L’interprétation sculpturale de Jesse Darling du conte de Saint Jérôme et du lion partage quelque chose de cet esprit, inversant les idées de ce que c’est d’être humain, de ce que c’est d’être sain.
Comme le raconte Darling dans une déclaration d’artiste accompagnant leur première exposition personnelle institutionnelle, lorsqu’un lion se présente rugissant devant le cloître de Jérôme, » les moines vont chercher l’arbalète pour le tuer, mais Jérôme seul lève une main: ce lion est juste blessé! »Il trouve une épine dans sa patte, enlève l’épine et soigne le membre, après quoi le lion reste à ses côtés, apprivoisé. Cette parabole de puissance et de soin a constitué le thème du projet imprimé de Darling pour Artforum en 2018 — des images iPhone de dessins de gauchers et des arrangements d’objets mis en place à la maison comme des pièces de prière, l’échelle de l’art possible pendant une période de douleur aiguë et la paralysie du bras droit de l’artiste – et est développée ici en trois dimensions, après une certaine réhabilitation.
Contrairement aux représentations de Jérôme et du lion à travers l’histoire de l’art, en particulier à la Renaissance (Antonello da Messina ca. la peinture en perspective de 1475 ou la gravure d’Albrecht Dürer de 1514, toutes deux représentant Saint Jérôme dans son étude, sont des exemples canoniques), ici le corps du saint n’est pas visible. L’érudit hermétique n’est représenté que par ses accessoires comiquement insuffisants — bâtons de brosse de toilette, stylos à doigts coupés ensanglantés – et un orchestre de mains grises coupées. Comme les super-héros et leurs alter ego, le saint et l’érudit ne peuvent apparaître côte à côte dans cette mise en scène, car ils ne sont pas seulement des compagnons en devenir, leurs êtres ne font qu’un et même.