Judas N’A Peut-Être Jamais Trahi Jésus. En Fait, Nous Ne Savons Même Pas Qu’Il Existait Réellement

Qui était le vrai Judas Iscariote : traître ou disciple fidèle ? Des écrits de saint Paul à l’Évangile perdu depuis longtemps de Judas, voici les mythes, les mensonges et les réalités historiques du vrai Judas.

À ce jour, le nom « Judas » est synonyme de trahison. Disciple de Jésus-Christ, Judas Iscariot aurait vendu son maître aux autorités romaines pour 30 pièces d’argent.

La mythologie autour de Judas et de Jésus est au fondement de la foi chrétienne. Mais les historiens ne sont pas convaincus que cette histoire biblique est historiquement exacte.

D’une part, outre son rôle de méchant dans la tradition chrétienne, la preuve écrite de son existence n’est nulle part ailleurs.

« Personne n’a réussi à localiser des sources de Judas indépendantes des récits du Nouveau Testament », a écrit Susan Gubar de l’Université de l’Indiana à Bloomington dans Judas: Une biographie.

« Très peu de versets sont consacrés à Judas dans la Bible, et ils ne s’accordent que sur le fait qu’il soit le disciple qui a livré Jésus aux autorités de Jérusalem. »

En tant que tel, tout fait sur le Judas historique aurait été éclipsé par plus de 2 000 ans d’écrits chrétiens qui le mythifiaient comme la quintessence du mal.

Judas, Le Mythe

Wikimedia Commonselon le Nouveau Testament, Judas identifie Jésus aux Romains en l’embrassant. Un ancien texte égyptien suggère qu’il a fait cela parce que Jésus était connu pour « changer de forme », ce qui le rendait difficile à distinguer.

Les Évangiles de Marc, Matthieu, Luc et Jean, et les Actes des Apôtres (également appelés le « Livre des Actes ») racontent tous l’histoire de la trahison de Judas. Ils ne précisent pas grand-chose d’autre sur l’homme lui-même, c’est-à-dire où il est né, où il est mort, qui était sa famille, etc. Mais tous les récits s’accordent à dire que Judas, autrefois un disciple de confiance de Jésus, pour une raison ou une autre a remis Jésus aux autorités en échange d’une récompense en argent.

Selon Matthieu, 26:14 et 27, Judas accepta de livrer Jésus au gouvernement romain pour 30 pièces d’argent. Il devait montrer Jésus aux autorités romaines en l’embrassant. Les quatre Évangiles n’expliquent pas exactement pourquoi Judas a dû embrasser Jésus pour l’identifier, mais un texte égyptien vieux de 1 200 ans traduit en 2013 suggère qu’il devait le faire parce que Jésus était connu pour « changer de forme » et était donc difficile à distinguer.

De plus, l’Évangile de Jean indique que Jésus savait déjà qu’Iscariote était destiné à le trahir et s’est approché de l’apôtre avant la dernière cène en disant: « Ce que vous êtes sur le point de faire, faites vite. »

Les quatre Évangiles décrivent Judas comme une forme de mal. Même son nom de famille, « Iscariot », est considéré par certains historiens comme une bastardisation du mot latin « sicarius », qui signifie « meurtrier ». »

Selon certains récits, Judas était submergé par l’esprit du Diable, dans d’autres, il était déjà connu pour être un homme dupliqué par nature. Selon Jean, bien que Judas fût le trésorier des apôtres, il était également connu pour être un voleur, et « en tant que gardien du sac d’argent, il s’aidait de ce qui y était mis. »

Getty Imagestous les quatre Évangiles affirment que Judas s’est suicidé peu de temps après avoir rendu Jésus. La façon dont il l’a fait varie, d’un compte à l’autre, il se pend, et d’un autre, ses intestins sortent de son corps.

Mais Iscariot était néanmoins un apôtre de confiance pour une raison quelconque. Même les disciples les plus éminents de Jésus, comme Matthias, ont reconnu que Judas  » faisait partie de notre nombre et partageait notre ministère. »En effet, Judas a dû ressentir une certaine parenté pour son maître, car après avoir livré Jésus aux autorités, comme il est écrit dans Matthieu, il était tellement submergé de culpabilité qu’il a abandonné la récompense en argent et s’est pendu.

Selon les Actes des Apôtres, le suicide de Judas était encore plus pathétique: « avec le paiement qu’il a reçu pour sa méchanceté, Judas a acheté un champ; là, il est tombé tête baissée, son corps s’est ouvert et tous ses intestins se sont répandus. Tout le monde à Jérusalem en a entendu parler, alors ils ont appelé ce champ dans leur langue Akeldama, c’est-à-dire « champ de sang. »

Alors, qu’est-ce qui aurait amené Judas à avoir trahi son maître en premier lieu ?

Traductions et Théories Alternatives

Il se pourrait que Judas n’ait pas du tout trahi Jésus et que la Bible ait mal interprété le sens derrière l’identification de Jésus aux autorités. Certains historiens ont postulé qu’une faction de Juifs radicaux avait en fait espéré utiliser l’influence de Jésus comme moyen d’affronter leurs oppresseurs étrangers, les Romains, mais cette confrontation avait terriblement mal tourné.

Groupe PHAS / Universal Images via Getty ImagesJudas Iscariot reçoit 30 pièces d’argent pour avoir remis Jésus aux autorités romaines.

Le nom de famille de Judas pouvait aussi signifier qu’il faisait partie d’un groupe marginal juif violent appelé les « Sicarii », qui eux-mêmes faisaient partie du mouvement radical des Zélotes. Les zélotes étaient un peu comme des assassins politiques et porteraient des petits poignards ou des « sica » sous leurs vêtements pour poignarder les opposants dans la rue. En effet, Jésus est dit même dans la Bible s’être associé à des zélotes connus, comme Simon Zelotes.

Les Zélotes étaient en révolte contre les Romains, qui avaient conquis Israël, et ont peut-être vu en Jésus une occasion de renverser leurs oppresseurs. Comme l’a écrit l’historien romano-juif du isiècle Josèphe, « Quand ils ont vu sa capacité à faire ce qu’il voulait par la parole, ils lui ont dit qu’ils voulaient qu’il entre dans la Ville, détruise les troupes romaines et se fasse roi, mais il n’en a pas pris note. »

En tant que chef religieux apolitique, Jésus n’avait apparemment aucun désir de diriger la charge d’un groupe juif radical. Les Zélotes avaient espéré s’opposer aux Romains unis sous un messie, ce qu’ils pensaient que Jésus pouvait être. Afin de déterminer s’il était ou non un vrai messie, les Zélotes devaient juger Jésus. Dans la version grecque de la Bible, le verbe utilisé pour décrire la confrontation de Judas avec Jésus lors de la cène est paradidomei, ce qui se traduit par « lui a remis. »

Museu Nacional de Belas Artes / Wikimedia CommonsJudas jette son argent de côté à regret. Tableau de José Ferraz de Almeida Júnior. 1880.

Ainsi, lorsque Judas a livré Jésus aux autorités, ce n’était pas par trahison mais dans le but de tester si le martyr pouvait être le messie pour diriger un groupe radical dans une révolte contre leurs oppresseurs étrangers.

De toute évidence, les Romains n’approuvaient pas cet adversaire potentiel, qu’il s’agisse d’un croisé pour le christianisme ou de la détresse des Zélotes, et le firent donc tuer.

Comment Judas est devenu le Traître

Le premier grand écrivain chrétien à discuter de la trahison de Judas envers Jésus était le théologien Origène d’Alexandrie.

Dans ses écrits, Origène réfute les affirmations du théologien contemporain Celse, qui avait affirmé que Judas n’avait pas vraiment trahi Jésus. Origène écrit:

 » Celse et ses amis diront-ils maintenant que ces preuves qui montrent que l’apostasie de Judas n’était pas une apostasie complète, même après ses tentatives contre son Maître, sont des inventions, et que cela seul est vrai, à savoir. qu’un de Ses disciples L’a trahi; et ajouteront-ils au récit biblique qu’il L’a aussi trahi de tout son cœur? Agir dans cet esprit d’hostilité avec les mêmes écrits, à la fois sur ce que nous devons croire et sur ce que nous ne devons pas croire, est absurde. »

Les écrivains ultérieurs ont doublé ce récit et ont fait de la « trahison » la caractéristique déterminante de Judas. Souvent, comme l’observait Gubar, les pères de l’Église associaient Judas au peuple juif comme une sorte de figure de proue de la rhétorique antisémite.

Par exemple, saint Jérôme a écrit que la trahison des Juifs et de Judas était une seule et même chose :  » Judas est maudit, celui de Judas en particulier a été déchiré par les démons — et le peuple aussi. »

Wikimedia Commonsl’écrivain et érudit chrsitien Origène d’Alexandrie

Des gens comme Martin Luther ont propagé ces associations antisémites qui survivent jusqu’à nos jours. Comme l’a écrit le journaliste Jonathan Freedland dans The Guardian:

 » Maintenant, bien sûr, tous les 12 disciples, comme Jésus lui–même, étaient Juifs – pourtant, comme le montre cette nouvelle exposition, c’est Judas que l’art occidental a choisi de représenter comme le Juif, souvent avec les cheveux roux qui le marquaient comme un traître, aux côtés de ses compagnons apôtres mystérieusement blonds et à la peau claire. Le pouvoir de l’histoire de Judas perdure: son nom est synonyme de traître, le mot juif et Judas sont presque indiscernables dans plusieurs langues, dont l’allemand. »

En effet, certains chercheurs, comme April D. DeKonick, professeur d’études bibliques à l’Université Rice, pense que la diabolisation de Judas a été utilisée pour condamner les non-chrétiens. Comme l’a expliqué DeKonick, « Son histoire a été abusée pendant des siècles pour justifier des atrocités contre les Juifs. Je me demande si l’une des façons dont notre psyché communautaire a géré cela au cours des dernières décennies est d’essayer d’effacer ou d’expliquer le mauvais Judas, de lui retirer la culpabilité de la mort de Jésus. »

L’Évangile de Judas

En 2006, un soi-disant « Évangile de Judas », un texte « perdu » écrit en égyptien copte vers 300 après JC, a été découvert. Trouvé dans les années 1970 et considéré comme une copie et une traduction d’un texte datant de 180 après J.-C., l’Évangile de Judas raconte l’histoire d’Iscariot non pas comme un méchant, mais comme un serviteur fidèle de Jésus qui n’a fait que ce que son maître a demandé.

WolfgangRieger / L’Évangile de Judas. Édition critique / Wikimedia Commonsune page de l’Évangile de Judas dans son écriture copte originale.

Par ce récit, Jésus a en fait demandé à Judas de le trahir. L’Évangile raconte une conversation secrète entre Jésus et ses divers disciples pendant « huit jours, trois jours avant de célébrer la Pâque », au cours de laquelle le martyr réprimande ses apôtres de ne pas avoir reconnu sa vraie nature.

Seul Judas semble reconnaître qui est vraiment Jésus — un être divin de « l’éon immortel du Barbelo « , un royaume céleste particulier. Jésus lui dit:

 » Séparez-vous d’eux, et je vous raconterai les mystères du royaume, non pas pour que vous y alliez, mais pour que vous soyez très attristés. Car quelqu’un d’autre prendra votre place, afin que les douze soient complets dans leur dieu. »

Jésus continue ensuite à enseigner à Judas exclusivement la nature des âmes et la Seconde Venue. Quand Judas se voit condamné dans une vision, Jésus dit que Judas doit le trahir pour atteindre les buts de Jésus.  » Mais tu les dépasseras toutes, lui dit Jésus, car tu sacrifieras l’être humain qui me porte. »

Contrairement au Nouveau Testament, l’Évangile de Judas ne semble pas refléter une réalité historique autant qu’une tradition mystique alternative, en ligne avec les vues cosmologiques gnostiques présentes dans l’ancien Proche-Orient à cette époque. Ainsi, dans l’Antiquité, il semble que toutes les communautés ne considéraient pas Judas comme un traître; en revanche, certains le considéraient apparemment comme le disciple préféré de Jésus.

Herb Krosney, qui a coécrit L’Évangile perdu, a déclaré à NPR:

« Judas est un autre type de personnage. C’est la personne à qui on demande de faire le sacrifice ultime. Et ce sacrifice consiste à sacrifier la vie de Jésus pour que Jésus atteigne l’éternité et l’immortalité. Et Judas est celui qui nous permet à tous d’aider à trouver cette étincelle intérieure en nous-mêmes. »

L’Évangile de Judas n’est donc qu’une autre version de son histoire, et sans doute aussi valable que les versions présentées dans les Quatre Évangiles et Actes. Comme l’une des nombreuses versions de la vie de Jésus circulant autour de la Méditerranée, cette histoire n’a tout simplement pas beaucoup persisté dans la modernité.

Wikimedia Commonsdans la tradition islamique, c’est Judas qui a été crucifié à la place de Jésus.

Les traditions musulmanes concernant Judas exonèrent également l’apôtre et allèguent qu’il n’a trahi Jésus que pour l’aider à atteindre son but ultime, le martyre. Une autre version suggère que Judas a pris la place de Jésus sur la croix et est mort à sa place.

Judas n’était peut-être rien de plus qu’un personnage fictif dans une parabole destinée à cimenter les fondements du christianisme dans son ensemble. Après tout, s’il n’avait pas trahi Christ, Jésus ne serait pas mort et le christianisme n’aurait pas existé. Les nombreuses variétés de Judas, semble-t-il, travaillent toutes pour promouvoir un programme donné et illustrent comment ce n’est pas parce qu’il est écrit dans la Bible qu’il est évangélique.

Après ce regard sur l’histoire de Judas, découvrez la vérité sur le vrai nom de Jésus. Ensuite, apprenez qui a réellement écrit la Bible.