Jules Ferry

Origines

Jules François Camille Ferry est le fils de Charles-Édouard Ferry, avocat, et d’Adèle Jamelet. C’est une famille catholique vosgienne de fondeurs de cloches établie à Saint-Dié en 1718, et, en 1794, les Ferry sont à la tête d’une tuilerie.

François-Joseph Ferry, grand-père de Jules, fut maire de la ville ; son fils Charles-Édouard, libre-penseur, se marie avec Adèle Jamelet, dont il a trois enfants : Jules (1832-1893), Charles (1834-1909) et Adèle (1826-1871).

Formation

Élève au collège de Saint-Dié jusqu’en 1846, puis au lycée impérial de Strasbourg (actuellement lycée Fustel-de-Coulanges), il est ensuite étudiant à la faculté de droit de Paris.

Carrière professionnelle

Il devient un avocat réputé et se passionne pour la chose publique, se spécialisant rapidement dans la défense des républicains.

Il collabore régulièrement aux journaux La Presse, Le Courrier de Paris, Le Temps.

Vie privée et familiale

Le 8 juillet 1875, les francs-maçons donnent une grande solennité à sa réception par le Grand Orient de France (loge  » La Clémente Amitié « ). Il y est reçu en même temps que Littré et que Grégoire Wyrouboff, autres disciples d’Auguste Comte. Dans une lettre adressée à Ch Cousin, président de la loge, celui-ci déclare :  » Ayant à faire une confession intellectuelle devant ceux qui veulent bien m’admettre parmi leurs frères, je déclare adhérer aux principes de philosophie morale que j’ai trouvés, il y a une quinzaine d’années dans les livres du fondateur de la philosophie positive.  » Une grande publicité est faite au discours que Littré prononce à cette occasion, et la presse en donne un large écho. Par la suite, Ferry appartient à la loge  » Alsace-Lorraine « .

La même année, Jules Ferry épouse la fille de l’industriel Camille Risler, Eugénie Risler, de dix-huit ans sa cadette, issue d’une famille protestante et républicaine ayant fait fortune dans l’industrie à Thann en Alsace, et dont la dot est de 500 000 francs. Le mariage est célébré dans la mairie du huitième arrondissement de Paris. Cette union offre à Ferry un accès au réseau de la haute bourgeoisie locale et parisienne. Charles Risler, frère de la mariée devient maire du septième arrondissement de Paris sept années plus tard.

Le couple fait construire un chalet suisse, résidence secondaire, sur les contreforts du massif forestier du Kemberg à Saint-Dié-des-Vosges, mais réside le plus souvent à Paris, dans l’hôtel particulier construit par le frère de Jules, Charles Ferry au 1 rue Bayard. Sans descendance directe, Jules reporte toute son affection sur son neveu Abel Ferry, qu’il adopte, le faisant son unique héritier.

Débuts en politique

Caricature de Jules Ferry par Georges Lafosse (parue dans Le Trombinoscope de Touchatout en 1872).

Opposant actif au Second Empire, il connaît la notoriété en publiant en 1868 une série d’articles pamphlétaires humoristiques contre le préfet de la Seine Haussmann, fustigeant la gestion opaque du financement de ses travaux parisiens : Les Comptes fantastiques d’Haussmann.

Il est élu député républicain de la 6e circonscription de Paris en mai 1869.

Ennemi déclaré de l’Empire, républicain convaincu, Jules Ferry avait pris place au palais dans le groupe des opposants, avec Charles Floquet, Émile Durier, Ferdinand Hérold, Anne-Charles Hérisson, Jean-Jules Clamageran, Amaury Dréo, Clément Laurier, Léon Gambetta. Il est impliqué dans le fameux procès des Treize en 1864 ; avec Garnier-Pagès et Hippolyte Carnot, treize républicains, qui s’étaient réunis chez Garnier-Pagès peu avant des élections à Paris, sont arrêtés pour réunion non autorisée et condamnés à 500 francs d’amende.

Le 4 septembre 1870, il devient membre du gouvernement de la Défense nationale. Nommé maire de Paris le 15 novembre 1870,, il a la charge, au demeurant quasi impossible, d’assurer le ravitaillement de la capitale assiégée par l’armée prussienne. Les restrictions alimentaires qu’il impose lui valent les surnoms de  » Ferry-Famine  » et  » Ferry l’affameur « . Une commission mixte de l’enseignement est instaurée,. Cette commission est composée de femmes et d’hommes compétents en matière d’instruction. Dans les rapports de cette commission, figure déjà l’affirmation de gratuité et d’obligation que l’on retrouve dans les lois scolaires promulguées sous son ministère.

Dès le premier jour de l’insurrection de la Commune de Paris, adversaire résolu des fédérés, il fuit la ville. Cependant, il conserve officiellement la fonction de maire jusqu’au 5 juin 1871. Il encourage Adolphe Thiers à employer la manière forte et à récupérer les canons des gardes nationaux, dans la nuit du 17 au 18 mars 1871, initiative qui déclenche une journée insurrectionnelle et le départ de Thiers de Paris à Versailles.

Aux élections du 8 février 1871, il se fait élire représentant des Vosges à l’Assemblée nationale, siège qu’il conserve jusqu’en 1889. Il est chargé de négocier la frontière sur la ligne de crête vosgienne ; intransigeant sur les principes, il ne lâche rien. C’est une expérience douloureuse, car les négociateurs dissèquent son arrondissement natal et l’Alsace, où avait vécu une partie de sa famille, rejoint désormais le Reich allemand.

Jules Ferry, chef de file de la majorité départementale, candidat républicain en face de Louis Joseph Buffet, est élu le 8 octobre 1871 conseiller général du Thillot. Le jeune vice-président du Conseil général suscite l’ire des autorités administratives. Adolphe Thiers décide, afin de le protéger, de l’éloigner des Vosges encore occupées par les troupes prussiennes, en l’envoyant à Athènes résoudre, avec rang d’ambassadeur, le différend entre les gouvernements grec, français et italien au sujet des mines du Laurion (1872–1873). À son retour en France, il devient l’un des chefs de l’opposition républicaine jusqu’à l’élection de Jules Grévy à la présidence.

Ministre de l’Instruction publique et président du Conseil

Caricature de Jules Ferry croquant un prêtre (La Petite Lune, 1878).

Ministre de l’Instruction publique du 4 février 1879 au 23 septembre 1880 dans le cabinet Waddington, il attache son nom aux lois scolaires. Ses premières mesures sont :

  • création d’une École normale supérieure féminine à Sèvres et d’une agrégation féminine, le 9 août 1879 ;
  • nomination de Ferdinand Buisson comme directeur de l’enseignement primaire en 1879 ;
  • collation des grades universitaires retirée à l’enseignement privé (12 mars 1880) ;
  • expulsion des congrégations religieuses non autorisées (29 mars 1880).

Président du Conseil du 23 septembre 1880 au 10 novembre 1881, il poursuit la mise en place des lois sur l’enseignement :

  • extension aux jeunes filles du bénéfice de l’enseignement secondaire d’État (21 décembre 1880) ;
  • enseignement primaire (6 à 13 ans) gratuit, laïque et obligatoire (16 juin 1881).

De nouveau ministre de l’Instruction du 31 janvier au 29 juillet 1882 (ministère Freycinet), il continue son œuvre scolaire, notamment avec la loi relative à l’obligation et à la laïcité de l’enseignement (28 mars 1882) ; cette loi est une suite logique de celle portant sur l’obligation scolaire ; c’est une obligation d’instruction et non de scolarisation.

Il est de nouveau président du Conseil du 21 février 1883 au 30 mars 1885, et ministre de l’Instruction publique et des Beaux-Arts jusqu’au 20 novembre 1883, date à laquelle il est remplacé par Armand Fallières. Il rédige une lettre circulaire aux instituteurs, le 17 novembre 1883, trois jours avant de confier le ministère de l’Instruction à Fallières. Cette lettre contient par ailleurs des recommandations très importantes en matière d’éducation morale : elle incite les enseignants à respecter scrupuleusement l’autorité des parents, condition nécessaire pour  » communiquer la sagesse du genre humain, une de ces idées d’ordre universel que plusieurs siècles de civilisation ont fait entrer dans le patrimoine de l’humanité « .

Ferry, anticlérical mais pas antireligieux (s’opposant ainsi aux positions d’Émile Combes), ne souhaite pas dans un premier temps imposer un monopole en matière d’éducation ; il laisse subsister l’enseignement confessionnel, mais sa volonté de laïcisation fait qu’il est exécré par la presse cléricale qui l’appelle  » Ferry sans Dieu « .

Alors que l’orthographe devient une discipline scolaire dans les écoles au cours du XIXe siècle, Jules Ferry et Ferdinand Buisson, qui rénovent ensemble le système éducatif à partir de 1880, tentent de lutter contre cette vague orthographique pour lui substituer un enseignement du français plus riche et vaste. En effet, après de la guerre de 1870, le niveau culturel des Français (en géographie, en histoire ou leurs connaissances des grands écrivains français) comparé à celui des Prussiens, est montré du doigt. Avec Jules Ferry, entre officiellement à l’école l’enseignement  » de la langue française « , qui fait la part belle à l’étude des grands auteurs français, l’explication de texte et la récitation de poésie, exercice jusqu’alors inconnu (arrêté du 27 juillet 1882). Avant, seuls les enseignements de l’orthographe et de la grammaire étaient prévus. Or le temps scolaire est limité et ce nouvel enseignement se fait au détriment de l’orthographe et de la grammaire. Jules Ferry et Ferdinand Buisson seront accusés de faire baisser le niveau d’orthographe des Français

Pour ce qui concerne l’éducation des jeunes filles, Jules Ferry pense qu’elle doit être spécifique afin d’être accordée à leur rôle social particulier. Il refuse pour cette raison la mixité scolaire. Tout en ne voyant aucune raison de douter de l’égalité d’aptitude intellectuelle entre les sexes, il n’en tire pas pour conclusion que les femmes doivent recevoir un enseignement identique à celui des hommes. Sa vision a notamment pour conséquence des cours en travail manuel très différents entre les filles (couture, cuisine) et les garçons (travail du bois). Le secondaire féminin créé par Camille Sée avec l’appui de Jules Ferry se distingue lui aussi nettement du secondaire masculin et privilégie un enseignement de lettres et de langues modernes.

Chute sur la question coloniale

Article connexe : Affaire du Tonkin.
Portrait par Léon Bonnat (1888).

Jules Ferry se montre un partisan actif de l’expansion coloniale française. Il est surnommé  » Tonkinois  » par ses adversaires politiques et une partie de l’opinion publique hostile à l’expansion coloniale.

On retrouve notamment l’empreinte de Ferry en Tunisie, dont il obtient le protectorat le 12 mai 1881 par le traité du Bardo, et à Madagascar. Il lance l’explorateur Pierre Savorgnan de Brazza à la conquête du Congo (1879), dossier qui lui est fatal lors de sa seconde présidence du Conseil. Il s’était d’ailleurs réservé le portefeuille des Affaires étrangères.

Les conservateurs sont opposés à la colonisation, qu’ils accusent de détourner hors du territoire les investissements, tandis que les progressistes y sont favorables pour des questions idéologiques. La gauche républicaine de Georges Clemenceau y est opposée également, parce que les aventures colonialistes détournent l’attention des provinces perdues d’Alsace-Lorraine. Les positions s’inversent diamétralement en trois ou quatre générations.

Ayant obtenu d’un vote de la Chambre les crédits nécessaires à la conquête du Tonkin, il provoque une extension du conflit à la Chine.

Ferry prononce un discours dont Charles-André Julien a pu dire qu’il était  » le premier manifeste impérialiste qui ait été porté à la Tribune « .

Dans son discours du 28 juillet 1885, Ferry illustre les présupposés du discours colonisateur d’un pan des républicains sous la IIIe République :

 » Messieurs, il y a un second point, un second ordre d’idées que je dois également aborder (…) : c’est le côté humanitaire et civilisateur de la question. (…) Messieurs, il faut parler plus haut et plus vrai ! Il faut dire ouvertement qu’en effet les races supérieures ont un droit vis-à-vis des races inférieures. (…) Je répète qu’il y a pour les races supérieures un droit, parce qu’il y a un devoir pour elles. Elles ont le devoir de civiliser les races inférieures. (…) Ces devoirs ont souvent été méconnus dans l’histoire des siècles précédents, et certainement quand les soldats et les explorateurs espagnols introduisaient l’esclavage dans l’Amérique centrale, ils n’accomplissaient pas leur devoir d’hommes de race supérieure. Mais de nos jours, je soutiens que les nations européennes s’acquittent avec largeur, grandeur et honnêteté de ce devoir supérieur de la civilisation. « 

Inversement, dans une réponse au discours prononcé par Jules Ferry le 30 juillet 1885, Georges Clemenceau s’indigne que l’on puisse s’appuyer sur un  » droit des nations dites supérieures « . Il rappelle dans quelle étendue  » au nom de la justice et de la civilisation  » des violences et des crimes ont été commis. Il considère que la conquête que Ferry préconise, loin d’être un droit ou un devoir, est un abus de la force justifié au profit du seul  » civilisateur « . Clemenceau, isolé à cet égard au sein de la gauche républicaine, estime que ces théories servent de prétexte à justifier une politique propice au pillage qui va donc rapidement se montrer contraire aux droits de l’homme. Alexandre Millerand critique également ces  » expéditions lointaines « , qu’il estime trop coûteuses en moyens humains et budgétaires pour la France,.

Le monument de Saint-Dié-des-Vosges (1896), dû au sculpteur Antonin Mercié, représente, devant le piédestal supportant la statue en pied de l’homme d’État, une Marianne symbolisant la République, un enfant annamite rappelant l’œuvre coloniale de Ferry, ainsi qu’un écolier qui évoque les lois scolaires des années 1880.

Peu d’hommes politiques de l’époque, quel que soit leur bord, remettent en question l’idée de supériorité européenne (l’Amérique n’en étant vue que comme une excroissance). La droite, illustrée par Thiers, réclame que l’on réserve l’argent épargné par les Français à des travaux de développement de la France. La gauche se préoccupe davantage de questions humaines comme la médecine, la vaccination, l’hygiène, l’éducation, la lutte contre les féodalités en place et les superstitions, mais critique elle aussi Ferry sur les points économiques.

Les grands intellectuels de l’époque étaient favorables à la colonisation, qui permettait selon eux de faire avancer les peuples dits  » en retard « . Victor Hugo défend la politique de Ferry au nom des droits de l’Homme ; cela n’a rien d’un paradoxe si l’on suppose que le Blanc est  » plus en avance  » : il a alors un devoir de civiliser, d’apporter l’évolution aux peuples moins développés, comme jadis les Romains aux Gaulois, exemple cher à Ferry).

D’après l’historien Claude Nicolet, l’attitude de Jules Ferry envers la colonisation répond à la conception comtienne du devoir des forts envers les faibles ; ce devoir consisterait à civiliser des  » races « , qui, une fois éduquées, ne seraient plus inférieures à celles qui les ont précédées dans le progrès. Il affirme :  » Quant à moi, je crois qu’il y a là une loi de la civilisation et quand je vois autour des tapis verts de la diplomatie le cercle des envoyés européens des représentants des vieilles et grandes puissances, s’accroître de quelques visages cuivrés ou noirs, je ne ris pas, je salue le progrès de l’humanité et de la civilisation. « 

Néanmoins, le caractère économique (véritable source du débat), occupe l’extrême majorité des propos de Ferry, le 28 juillet 1885 :  » La concurrence, la loi de l’offre et de la demande, la liberté des échanges, l’influence des spéculations, tout cela rayonne dans un cercle qui s’étend jusqu’aux extrémités du monde. C’est là un problème extrêmement grave. Il est si grave (…) que les gens les moins avisés sont condamnés à déjà prévoir l’époque où ce grand marché de l’Amérique du Sud nous sera disputé et peut-être enlevé par les produits de l’Amérique du Nord. Il faut chercher des débouchés… « 

Finalement, l’expansion coloniale pour Ferry se justifie par les intérêts de la géopolitique française qui veut qu’en tant que puissance, elle ait des points d’appui partout dans le monde :  » Je dis que la politique coloniale de la France, que la politique d’expansion coloniale, celle qui nous a fait aller, sous l’Empire, à Saïgon, en Cochinchine, celle qui nous a conduits en Tunisie, celle qui nous a amenés à Madagascar, je dis que cette politique d’expansion coloniale s’est inspirée d’une vérité sur laquelle il faut pourtant appeler un instant votre attention : à savoir qu’une marine comme la nôtre ne peut pas se passer, sur la surface des mers, d’abris solides, de défenses, de centres de ravitaillement. (…) Rayonner sans agir, sans se mêler aux affaires du monde, (…) c’est abdiquer, et, dans un temps plus court que vous ne pouvez le croire, c’est descendre du premier rang au troisième et au quatrième… « 

L’annonce de l’évacuation de Lạng Sơn, qui lui vaut le surnom de  » Ferry-Tonkin « , déclenche une violente opposition parlementaire et des spéculations boursières du printemps 1885, lors de l’affaire du Tonkin. Une dépêche Havas confond en effet la modeste retraite de Lang Son de l’armée française avec un abandon général du delta du fleuve Rouge. La fausse nouvelle, donnée  » de bonne foi  » par le général Louis Brière de l’Isle, fait chuter la Bourse de Paris et le gouvernement,  » au moment même où arrive une deuxième dépêche minimisant l’importance des combats « . Dès le 26 août 1883, les milieux financiers s’étaient inquiétés, redoutant de lourdes dépenses de guerre, puis découvrant le 9 septembre 1883 que le traité de paix franco-vietnamien n’était pas reconnu par la Chine.

Cette affaire provoque sa chute le 30 mars 1885.

Succession d’échecs

Jules Ferry.

Lâché par les radicaux, Jules Ferry échoue aussi lors de l’élection présidentielle du 3 décembre 1887 face à Sadi Carnot. Ce jour-là, le Conseil municipal de Paris installa  » en plein hôtel de ville un bureau révolutionnaire décidé à proclamer la Commune si M. Jules Ferry avait été élu président de la République « . Une semaine plus tard, il est blessé à l’assemblée d’un coup de revolver par un boulangiste du nom d’Aubertin. Aux élections législatives du 22 septembre 1889, il est battu par Ernest Picot, conservateur. Le scrutin est annulé par le Conseil d’État, sur recommandation de Georges Clemenceau. Jules Ferry ne se représente pas.

Élection et présidence du Sénat

Par ailleurs président du conseil général des Vosges et de l’Association nationale républicaine, il est élu au Sénat en 1891 et en devient président le 24 février 1893.

À partir de mars 1891, il préside la commission sénatoriale d’études des questions algériennes ; à ce titre, il est l’auteur d’un rapport publié en 1892 sous le titre  » Le gouvernement de l’Algérie « . Une délégation qu’il conduit effectue un voyage d’enquête durant 53 jours. Il y découvre les réalités algériennes et les envers de la colonisation. Dans son rapport, il condamne notamment la politique d’assimilation administrative et législative menée jusque-là. Il dénonce l’expropriation du sol natal des indigènes, leur exploitation par les communes européennes et suggère de renforcer la représentation politique des musulmans. Dans ces grandes lignes, les propositions contenues dans le rapport reprennent certains éléments de la politique algérienne voulue par Napoléon III et sont opposées aux positions tenues par Jules Ferry lui-même dans les années 1870. Ces positions lui valent la perte de l’appui des républicains opportunistes d’Algérie, qui dénoncent son  » excessive bienveillance pour les indigènes « . Le Sénat ratifie le rapport le 30 mai 1893, mais presque rien des réformes préconisées en faveur des indigènes ne passe dans les faits.

Mort

Il échappe par deux fois, en 1883 et 1885, à des attentats perpétrés contre lui, le second par un déséquilibré partisan de Clemenceau, qui lui laisse une balle dans la poitrine. Cela le handicape jusqu’à sa mort d’une crise cardiaque au 1 rue Bayard, le 17 mars 1893.

Il est décidé de lui faire des funérailles nationales (loi du 20 mars 1893 débloquant un crédit de 20 000 francs), mais la famille refuse en raison de son hostilité à l’égard du gouvernement, estimant que Clemenceau, en particulier, a cherché par tous les moyens à discréditer Ferry ; on lui attribue ce cruel portrait de celui dont il renversa le gouvernement en mars 1885 :  » Pas un malhonnête homme, mais du point de vue de l’intelligence, en dessous du médiocre. Ces gens-là habituellement ont au moins la parole, ils n’expriment peut-être que du vent, mais ils l’expriment . Et si on en a fait un président du Conseil, c’est précisément parce qu’il n’était bon à rien « .

Des obsèques nationales ont cependant lieu le 22 mars dans la cour d’honneur du palais du Luxembourg puis un immense cortège conduit la dépouille de Ferry jusqu’à la gare de l’Est d’où un train spécial l’emmène vers les Vosges. Ferry y est inhumé le lendemain dans le caveau familial à Saint-Dié,, selon son testament  » en face de cette ligne bleue des Vosges d’où monte jusqu’à mon cœur fidèle la plainte touchante des vaincus « .

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