SI LES AIGUILLES des horloges à cadran balayaient leurs faces dans l’autre sens, ce serait la direction connue sous le nom de « sens horaire ». Et ils disaient l’heure tout aussi fidèlement. Il est pratique de faire tourner toutes les aiguilles de l’horloge dans la même direction, mais c’est un accident de l’histoire de quelle direction il s’agit. De même, il semble un choix arbitraire mais efficace des fabricants d’éoliennes que les pales de presque tous ces appareils tournent dans le sens des aiguilles d’une montre. Cependant, une étude présentée le 4 mai à l’Assemblée Générale de l’Union Européenne des Géosciences (tenue en ligne, au lieu de Vienne, comme prévu), suggère que dans l’hémisphère nord, où se trouvent 96% de ces turbines, la vigilance universelle peut être mauvaise.
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Pour une seule turbine, cela n’a en effet pas d’importance. Mais les turbines sont généralement plantées en groupes. Si, dans un tel groupe, une turbine est derrière une autre, cela importe, selon Antonia Englberger du Centre aérospatial allemand, à Oberpfaffenhofen, et ses collègues. Ils ont construit un modèle informatique qui simule le flux d’air au-dessus d’une turbine tournant dans les deux sens, puis calcule l’effet que cela a sur une seconde turbine, sous le vent de la première. Le jour, conclut l’équipe, il n’y a pas de différence. Mais la nuit, la puissance de sortie de l’appareil sous le vent peut être jusqu’à 23% plus élevée si son collègue au vent tourne dans le sens inverse des aiguilles d’une montre.
La raison réside dans le comportement nocturne des quelques centaines de mètres de fond de l’atmosphère, connue sous le nom de couche limite. Le jour, les rayons du soleil chauffent le sol, ce qui réchauffe l’air voisin, qui monte en verticilles de turbulence, ce qui donne une couche limite bien mélangée qui se comporte de la même manière à toutes les altitudes. La conséquence, pour une éolienne, est que ses pales de rotor ressentent la même vitesse et la même direction du vent qu’elles soient en haut ou en bas de leur rotation.
La nuit, cependant, le sol se refroidit. Les verticilles disparaissent donc souvent et la couche limite cesse de se mélanger. Le frottement avec la végétation ou les bâtiments signifie maintenant que l’air près du sol se déplace plus lentement que l’air plus haut — un effet connu sous le nom de cisaillement du vent lié à l’altitude. Et la quantité de cisaillement, compte tenu de la portée des pales des turbines modernes, est suffisamment importante pour que la rotation de la Terre entre en jeu. Cela pousse l’air en mouvement vers la droite dans l’hémisphère nord et vers la gauche dans le sud, un phénomène appelé force de Coriolis. Plus le flux d’air est rapide, plus l’écart est important. Ainsi, le cisaillement du vent engendre un vent virant, un changement progressif de direction avec la hauteur.
Cela compte pour les paires de turbines car l’air qui pousse contre les aubes du dispositif au vent, et les fait ainsi tourner, disons dans le sens des aiguilles d’une montre, est lui-même dévié par ces aubes dans l’autre sens. Cela le transforme en un sillage turbulent avec une rotation (dans ce cas) dans le sens inverse des aiguilles d’une montre. Cette rotation dans le sens inverse des aiguilles d’une montre entre en conflit avec la tendance à virer induite par Coriolis du vent non perturbé autour du sillage. Et cela entrave la capacité du sillage à capter l’énergie de ce vent environnant et non perturbé, puis à frapper la deuxième turbine avec un vim renouvelé.
Dans le cas où la première turbine tourne dans le sens inverse des aiguilles d’une montre, le sillage sera dans le sens des aiguilles d’une montre, correspondant ainsi au vent de l’hémisphère nord. Cela lui permet de gagner de l’énergie de l’air environnant pour la transmettre à la turbine suivante — à l’opposé de ce qui se passe maintenant. Et dans l’hémisphère sud, tout fonctionne dans l’autre sens, donc les turbines conventionnelles dans le sens des aiguilles d’une montre sont les meilleures.
Réoutiller les usines à la lumière de la découverte du Dr Englberger, pour faire tourner les turbines dans le sens inverse des aiguilles d’une montre, serait certainement coûteux. Si la puissance supplémentaire qui pourrait être évincée du vent en le faisant rendrait cela valable, il faudrait beaucoup plus d’enquête. Son résultat montre cependant parfaitement à quel point même des décisions apparemment arbitraires peuvent avoir des conséquences involontaires.■
Cet article est paru dans la section Science & technologie de l’édition imprimée sous le titre « Shear, veer, cheer »