Des poignées de main à la musique, à la danse et aux sports d’équipe, les interactions sociales nécessitent souvent un moyen efficace de suivre les actions des autres tout en planifiant et en exécutant simultanément les actions de soi1. Un basketteur, par exemple, doit surveiller et anticiper les mouvements de son coéquipier afin de contribuer avec succès à un jeu de pick and roll.
Compte tenu du large éventail d’interactions sociales dans lesquelles il est important d’anticiper, de surveiller et de réagir aux actions des autres, il n’est pas surprenant qu’une quantité considérable de recherches ait été consacrée à étudier comment nous y parvenions2,3,4,5. Une idée influente qui a émergé est que la représentation des actions des autres est souvent soutenue par son propre système moteur, ce qui implique que les représentations des actions des autres sont souvent fonctionnellement équivalentes aux représentations impliquées dans la production d’action2,3,4,6,7. En conséquence, l’observation des actions des autres peut entraîner des représentations d’actions qui ne se distinguent pas clairement des autres8,9,10.
Un résultat est que l’observation des actions des autres peut donner lieu à des représentations qui interfèrent avec l’exécution de sa propre tâche. Dans une illustration frappante de cela, Brass et al.2 a constaté que les participants à qui on avait demandé de produire des mouvements des doigts en réponse à des signaux symboliques réagissaient plus rapidement lorsqu’ils observaient simultanément des mouvements des doigts non pertinents qui étaient physiquement congruents à ceux qu’ils étaient chargés de produire, et plus lentement lorsqu’ils observaient simultanément des mouvements des doigts non pertinents qui étaient physiquement incongrus à ceux-ci. Ces résultats – et d’autres qui s’appuient sur les11,12, 13 – indiquent que, lorsque nous observons les actions des autres, nous représentons automatiquement ces actions en utilisant des représentations motrices du même type que celles qui sous-tendent la production d’actions.
Ceci explique parfaitement pourquoi l’observation d’actions congruentes facilite l’exécution de la tâche, tandis que l’observation d’actions incongrues conduit à des effets d’interférence visuomotrice. Cependant, cela soulève également un défi. En effet, de nombreuses actions conjointes exigent que les individus produisent des actions physiquement incongrues mais complémentaires 14. Un basketteur compétent, par exemple, peut avoir besoin de coordonner son mouvement vers le panier avec le passage du ballon de son coéquipier. Mais si le suivi de l’action de sa coéquipière suscite des représentations motrices qui rivalisent avec celles qui sous-tendent l’action qu’elle doit elle-même effectuer, elles peuvent interférer avec sa propre préparation à l’action. En termes plus généraux: lorsque le suivi des actions d’autrui implique des représentations motrices fonctionnellement équivalentes aux représentations sous-jacentes à la production d’actions, cela pourrait donner lieu à des effets d’interférence et s’avérer contre-productif dans de nombreux cas d’action commune.
Ce problème peut cependant être résolu. Dans un article récent de Sacheli, Arcangeli, & Paulesu15 participants ont joué des mélodies savantes avec, ou simplement à côté, d’un partenaire virtuel. Dans les deux cas, cela les obligeait à produire séquentiellement des actions qui étaient physiquement congruentes (p. ex. point-point) ou physiquement incongru à ceux qui venaient d’être produits par le partenaire (par exemple point-grasp). Lorsque les participants et leurs partenaires effectuaient ces actions les uns à côté des autres (c’est-à-dire dans un état non interactif), la performance était affectée par la (in)congruence physique des mouvements, comme prévu. Mais, lorsque ces actions étaient dirigées vers un objectif d’action commune (c’est-à-dire la production conjointe d’une seule mélodie dans une condition d’action commune), la congruence physique devenait sans importance: la performance de la tâche a été affectée par un renversement des associations mouvement-note, mais pas par la congruence ou l’incongruité des mouvements des deux agents. Cela soulève la question: pourquoi faire quelque chose dans le cadre d’une action commune éliminerait-il l’interférence de la perception de mouvements incongrus mais créerait-elle une interférence de la perception de sons anormaux?
Sacheli et al.la réponse proposée est que la représentation d’un objectif d’action commune permet aux partenaires d’action commune d’intégrer des représentations de leurs propres actions et de celles de leurs partenaires au sein d’un plan moteur dyadique unique (multi-personnes)15. Comme ils le disent, ce plan moteur dyadique permet aux agents de sélectionner les réponses appropriées aux actions de leur partenaire sur la base de leurs résultats prévus (par exemple, la production d’une note de musique). Cela explique pourquoi des associations anormales de notes de mouvement auraient généré des interférences dans leur étude. Cependant, cela ne semble pas expliquer pourquoi le cadre d’action commune aurait réduit les interférences causées par des mouvements physiquement incongrus. En principe, l’intégration de représentations de mouvements incongrus dans un plan moteur plus vaste pourrait avoir des effets d’interférence accrus au lieu16.
Une possibilité, laissée ouverte par l’étude susmentionnée, est qu’un cadre d’action conjointe puisse amener les participants à représenter les actions de leur partenaire par rapport à un objectif d’action conjointe plus distal (c’est-à-dire une chaîne de notes de musique) au lieu des objectifs plus proximaux qui le provoquent (c’est-à-dire saisir ou pointer). Dans les cas où l’incongruité physique des actions n’est obtenue qu’au niveau de ces objectifs plus proximaux, cela pourrait permettre aux agents de contourner complètement la représentation des mouvements physiquement incongrus de leurs partenaires, réduisant ou éliminant les effets d’interférence visuomotrice (voir Fig. 1). Le problème est le suivant: il semble y avoir des cas d’action commune où il ne suffit pas de contourner complètement la représentation de l’objectif proximal d’un partenaire et de simplement considérer le résultat plus distal de l’objectif d’action commune. Au contraire, comme l’illustrent les basketteurs mentionnés ci-dessus, il est souvent nécessaire de représenter les objectifs plus proximaux de l’action d’un partenaire afin de sélectionner des actions qui les compléteraient par rapport à l’objectif d’action conjointe plus distal. En effet, cela peut être vrai même des mouvements moteurs les plus élémentaires impliqués. Ainsi, des questions fondamentales demeurent. Spécifiquement: l’introduction d’un objectif d’action commune distale peut-elle réduire les effets d’interférence visuomotrice dans les cas où des objectifs proximaux incongrus sont contingemment liés les uns aux autres, et une attention particulière est nécessaire pour la sélection des mouvements moteurs appropriés? Et, si oui, comment cela pourrait-il être réalisé?
Pour aborder cette dernière question, un point de départ naturel est l’observation que la production d’actions implique généralement la représentation simultanée de plusieurs actions liées à l’instrument à plusieurs niveaux d’abstraction liés à l’instrument17,18, 19, 20. Par exemple, nous représentons l’action de tourner le volant non seulement au niveau du but relativement distal (volant tourné) mais également au niveau des objectifs relativement proximaux, conçus pour y parvenir (par exemple bras gauche levé; bras droit abaissé). Il est important de noter que cette structure hiérarchique doit saisir les relations instrumentales entre ces différents objectifs. En clair, les objectifs proximaux doivent fonctionner pour aboutir à des objectifs relativement distaux. Mais, en plus de cela, les objectifs relativement proximaux doivent (eux-mêmes) être sensibles les uns aux autres de sorte qu’une modification de l’un conduira les autres à changer de manière appropriée. Par exemple, il n’est pas nécessaire de bouger ses bras si l’on ne saisit plus la roue ; et même lorsque l’on saisit la roue, il peut être inutile de lever son bras gauche si l’on n’abaisse pas simultanément son bras droit.
Ici, l’agent individuel doit simultanément produire des mouvements physiquement incongrus (levage et abaissement du bras). Mais, dans ce cas, il n’est pas possible d’éviter les interférences motrices en considérant simplement le mouvement de chaque bras indépendamment de l’autre, ou en considérant simplement le résultat objectif plus distal vers lequel ceux-ci sont tous deux dirigés (une roue tournée). En effet, tous ces objectifs sont interdépendants. Ainsi, l’introduction du but le plus distal doit changer la façon dont les buts le plus proximaux sont représentés. Plus précisément, cela doit conduire à leur représentation en tant que contributions interdépendantes et non simplement indépendantes à une action plus vaste.
Cela soulève la possibilité que les actions de nos partenaires d’actions communes puissent être représentées par rapport à la même hiérarchie d’actions (voir Fig. 2). Ici, l’introduction d’un objectif d’action commune relativement distal pourrait permettre de représenter les mouvements physiquement incongrus de soi et des autres comme des composantes interdépendantes d’un plan visant à réaliser l’objectif d’action commune. Si cela est possible, cela pourrait réduire, voire éliminer les interférences de l’observation des mouvements physiquement incongrus d’un partenaire, même lorsque le succès d’une action conjointe nécessite une réponse sélective à ces mouvements. Ainsi, nous émettons l’hypothèse que lorsque les agents représentent leurs actions comme des composantes interdépendantes d’un plan visant à atteindre un objectif d’action commun, les mouvements de chaque partenaire ne doivent pas toujours être représentés par rapport à des objectifs proximaux distincts et incongrus. Au lieu de cela, ils pourraient être représentés comme des contributions interdépendantes à un seul objectif. S’il est vrai, le cadre d’action conjointe pourrait potentiellement réduire, voire éliminer les effets d’interférence visuomotrice découlant de l’observation de ce qu’un étranger pourrait considérer comme une action physiquement incongrue.
Pour tester cela, nous avons adapté le paradigme 12 de Brass et ses collègues pour intégrer un objectif d’action commun, à savoir allumer deux ampoules en actionnant conjointement un interrupteur. Ici, les participants devaient effectuer l’un des deux mouvements de levage des doigts en fonction du repère numérique présenté sur un écran, entre l’index et le majeur d’un partenaire virtuel (voir Fig. 3). Ces mouvements peuvent être physiquement congruents ou physiquement incongrus avec un mouvement effectué par le partenaire virtuel. Dans une Condition d’objectif d’action conjointe, les ampoules étaient allumées lorsque le participant et le partenaire effectuaient simultanément des actions physiquement incongrues, mais pas lorsqu’ils effectuaient des actions physiquement congruentes (quelque chose à propos duquel notre hypothèse ne fait aucune prédiction). Dans la condition de But individuel, les lumières n’ont jamais été allumées (c’est-à-dire qu’il n’y avait pas d’objectif d’action conjoint). Nous avons estimé que si les participants sont capables d’utiliser l’objectif d’action commune (allumer les ampoules) pour représenter une structure de planification dans laquelle le mouvement de leur partenaire forme une contribution complémentaire et interdépendante, alors l’incongruité physique de leur propre mouvement et du mouvement du partenaire devrait être moins pertinente. Cela génère la prédiction selon laquelle nous devrions observer des effets d’interférence visuomotrice réduits dans la Condition d’Objectif d’Action Conjointe par rapport à la Condition d’Objectif Individuelle. En d’autres termes, la différence de temps de réponse entre les essais Congruents (dans lesquels le participant et le partenaire lèvent les mêmes doigts) et les essais Incongrus (dans lesquels le participant et le partenaire lèvent des doigts différents) devrait être plus petite dans les Conditions d’Objectif d’Action conjointe que dans la Condition d’Objectif Individuel.
Les prédictions, la taille de l’échantillon, les méthodes et les analyses planifiées ont toutes été préenregistrées avant la collecte des données et peuvent être consultées à l’adresse suivante : http://aspredicted.org/blind.php?x=cr4cg2. Sauf indication contraire, nous avons mis en œuvre toutes les étapes comme préenregistrées.