Entretien avec M. Christopher Chadwick, Responsable technique de la Préparation et de la réponse à la grippe à l’Organisation mondiale de la Santé.
M. Christopher Chadwick (l) lors de la récente Réunion internationale sur le Cadre Stratégique pour la Prévention et le Contrôle des Maladies émergentes et à tendance épidémique (Photo: Simon van Woerden /OMS)
Lorsque vous entendez le mot « pandémie », que voyez-vous? Probablement une combinaison de millions de personnes malades et de décès, des aéroports et des frontières fermés, la communauté médicale internationale en surmenage. Dévastation mondiale. Qu’en est-il de la « grippe »? Un nez qui coule, quelques jours au lit, pas grave. Pas vrai?
Faux. La grippe, en particulier les types de grippe nouveaux ou « nouveaux » pour lesquels les gens n’ont pas encore d’immunité, n’est rien à prendre à la légère. Le risque d’une autre pandémie comme la grippe espagnole de 1918, qui a tué entre 20 et 50 millions de personnes, n’est pas seulement hypothétique. En fait, selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) et des experts des risques infectieux, il s’agit d’une certitude statistique: il ne s’agit pas de « si », mais de « quand » et de « quelle gravité ». Outre les futures pandémies, la grippe saisonnière infecte actuellement 1 milliard de personnes chaque année, dont 3 à 5 millions de cas graves, et cause de 290 000 à 650 000 décès respiratoires.
Pour relever ces défis et d’autres liés à la grippe, l’OMS annonce une nouvelle stratégie mondiale contre la grippe, qui sera lancée cette année et expirera en 2030. Avec elle, l’organisation de la santé entend « appeler tous les pays et partenaires à donner la priorité à la mise en œuvre des programmes de lutte contre la grippe « . M. Christopher Chadwick est responsable technique à l’OMS et travaille sur la nouvelle stratégie. Il convient que la menace de la grippe et l’inquiétude que les gens semblent avoir sont incompatibles. « En regardant la situation dans son ensemble, la grippe a un impact plus important que certaines des autres maladies infectieuses qui apparaissent. La grippe saisonnière affecte chaque pays, chaque année, et bien qu’il existe certains groupes spécifiques à haut risque – les femmes enceintes, les travailleurs de la santé, les personnes souffrant de maladies chroniques ou dont le système immunitaire est affaibli, les enfants et les personnes âgées – elle frappe vraiment tout le monde. »
Une explication partielle de la perception de faible risque est la confusion avec le rhume beaucoup plus inoffensif. M. Chadwick : » Nous devons mieux communiquer. Pas seulement sur les décès dus à la grippe, mais aussi sur les cas plus légers qui obligent les gens à manquer le travail ou l’école. »Selon la nouvelle stratégie, le coût économique associé à la grippe saisonnière varie de 30 à 60 dollars par habitant.
Si les gens sous-estiment la menace de la grippe, il en va de même pour leurs gouvernements. M. Chadwick: « Nous devons également communiquer avec les décideurs politiques, car de nombreux pays ne considèrent pas la grippe comme une priorité. Surtout lorsqu’il y a des épidémies d’agents pathogènes plus médiatisés, comme Ebola. » Pour mieux comprendre le risque relatif pour la santé de la grippe, les décideurs ont besoin de meilleures informations et données. La nouvelle stratégie comprend des plans à cet effet. Il vise à améliorer la surveillance et l’analyse de la charge que la grippe impose à un pays et à son économie – en particulier dans les pays à revenu faible et intermédiaire. M. Chadwick: « Comprendre et montrer le fardeau de la maladie est la première étape de la mise en place d’un programme de lutte contre la grippe. »La stratégie vise également à renforcer la recherche scientifique, à élargir les programmes de prévention et de lutte pour protéger les groupes vulnérables et à renforcer la préparation et la réponse aux pandémies.
Le dernier point a un poids spécial. Après l’épidémie de grippe pandémique A (H1N1) en 2009, l’OMS a créé un comité chargé d’examiner la préparation aux pandémies mondiales. Le comité a conclu en 2011 que « le monde est mal préparé à réagir à une pandémie de grippe grave ou à toute urgence de santé publique mondiale, durable et menaçante. »Lors d’une récente réunion à Amman, un groupe d’experts en risques infectieux a répété à l’unanimité cette évaluation.
M. Chadwick convient qu’il reste encore beaucoup à faire. Cependant, la nouvelle stratégie documente des améliorations et des jalons importants au cours des dernières années. Un exemple est l’expansion du Système Mondial de Surveillance et d’intervention de la grippe (GISRS), un réseau de plus de 150 centres et laboratoires de la grippe qui aide les pays à détecter, à se préparer et à réagir aux épidémies de toutes sortes de grippe. M. Chadwick : » Je pense que nous sommes mieux préparés. Depuis la pandémie de 2009, de nombreux développements ont fait bouger l’aiguille. La première est l’adoption du Cadre historique de préparation à la pandémie de grippe (PEP), qui permet un meilleur partage des virus grippaux à potentiel pandémique et des avantages découlant de l’utilisation de ces virus. Un autre est le Plan d’action mondial pour les vaccins antigrippaux qui s’est déroulé de 2006 à 2016. Cela a triplé la capacité de production annuelle de vaccin contre la grippe saisonnière, qui est passée de 500 millions à 1,5 milliard de doses, et plus que quadruplé la production de vaccin contre la grippe pandémique, qui est passée de 1,5 à 6,4 milliards de doses. »
La nouvelle stratégie vise de la même manière à atteindre ses objectifs au cours de la décennie à venir, de sorte qu’en 2030, un nouveau groupe d’experts puisse changer le bulletin du monde de « mal préparé » à « préparé et prêt à partir!’.
Lisez la nouvelle stratégie de l’OMS sur la grippe sur notre page Web sur la grippe ou consultez le PDF ici.
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