Le matin du 5 décembre 2014, la défenseuse des droits humains et journaliste d’investigation Mme Khadija Ismail a été convoquée pour interrogatoire au bureau du Procureur de la ville de Bakou. Lorsqu’elle est arrivée au bureau du Procureur, elle a été arrêtée et informée que le Procureur avait ordonné son arrestation pour tentative de suicide (article 125 du Code pénal azerbaïdjanais).
Ce soir-là, le Tribunal de district de Sabail a décidé d’arrêter et de détenir le défenseur pendant deux mois en attendant son procès. Le lendemain, le 6 décembre 2014, elle a été transférée au centre de détention provisoire de Kurdakhany, dans la banlieue de Bakou. Son avocat a fait appel de sa détention provisoire et l’audience en appel est prévue le 11 décembre devant la Cour d’appel de Bakou.
Le 5 décembre 2014, l’avocat de Khadija Ismail avait été contraint de signer un accord de non-divulgation. Cependant, son affaire pénale a ensuite été commentée par le bureau du procureur général. Selon les autorités, le défenseur aurait poussé le journaliste M. Tural Mustafaev à tenter de se suicider en le renvoyant de la station de radio en mars 2014 et en » faisant pression sur lui « . Selon le bureau du Procureur général, le 20 octobre 2014, Tural Mustafaev a tenté de s’enlever la vie. Il a survécu et a ensuite porté plainte contre Khadija Ismail auprès du Parquet général. Cependant, selon les personnes qui connaissaient personnellement Tural Mustafaev, Khadija Ismail n’avait aucun lien avec sa tentative de suicide.
Le 6 décembre 2014, au lendemain de l’arrestation de Khadija Ismail, une quinzaine de policiers de la police et du Parquet général ont procédé à une perquisition à son domicile, saisissant 58 DVD-disques, un modem et des cartes de visite. S’il est reconnu coupable d’avoir provoqué une tentative de suicide, le défenseur des droits humains risque jusqu’à sept ans d’emprisonnement.
L’arrestation de Khadija Ismail fait suite à une déclaration du chef de l’administration présidentielle azerbaïdjanaise, M. Ramiz Mehdiyev, le 4 décembre 2014, dans laquelle il qualifiait les groupes non gouvernementaux du pays de « cinquième colonne » et accusait directement Khadija Ismail de trahison.
Plus tôt cette année, le 18 février 2014, Khadija Ismail a été convoquée au Parquet général d’Azerbaïdjan en tant que témoin pour faire une déclaration concernant la » divulgation d’un secret d’État » après avoir publié un document sur Facebook sur le recrutement par les services secrets azerbaïdjanais d’un militant de l’opposition comme » informateur « . Par la suite, l' » informateur » présumé a intenté une action civile contre Khadija Ismail, l’accusant de diffamation. Le 9 octobre 2014, le procès du défenseur des droits humains a débuté devant le tribunal de district de Binagadi, à Bakou. Khadija Ismail a déclaré devant le tribunal que le document qu’elle a publié sur Facebook ne mentionnait pas le nom de la demanderesse et qu’il n’y avait aucune preuve du contraire. Au moment de la rédaction du présent rapport, le procès n’est pas terminé.
Le 10 juin 2014, le Tribunal de district de Binagadi a ordonné à Khadija Ismail d’effectuer 220 heures de service public pour avoir prétendument organisé une manifestation non autorisée à Bakou. La manifestation pacifique, qui avait eu lieu le 26 janvier 2013, a été dispersée par la police qui a utilisé des matraques en caoutchouc pour contrôler la foule. Trois manifestants ont été arrêtés et quinze autres ont été condamnés à une amende. Khadija Ismail a fait appel de la décision du tribunal mais, le 15 août 2014, la Cour d’appel de Bakou a confirmé le verdict précédent.
Le 5 septembre 2014, le défenseur des droits humains a été détenu pendant deux heures à l’aéroport de Bakou alors qu’il se rendait à une conférence de l’OSCE tenue à Tbilissi. Les gardes-frontières ont fouillé ses effets personnels et ont temporairement confisqué ses effets personnels, y compris de l’argent et des cartes de crédit. Le 5 octobre 2014, elle a été détenue à l’aéroport de Bakou pendant cinq heures alors qu’elle revenait de Strasbourg, où elle avait rencontré des responsables du Conseil de l’Europe pour discuter de la répression en cours contre la société civile en Azerbaïdjan. Le 12 octobre 2014, Khadija Ismail a été empêchée de quitter l’Azerbaïdjan en raison d’une décision prise par le Bureau du Procureur général. Aucune raison n’a été donnée pour cette interdiction de voyager. Le 18 novembre 2014, la défenseuse a de nouveau tenté de quitter le pays pour participer à une audition du Congrès américain à Helsinki sur la corruption dans les pays de l’OSCE, mais elle a été arrêtée à l’aéroport, une fois de plus sans explications claires.