Règles d’arbitrage nouvellement révisées de la CCI / Shearman & Sterling

Le 6 octobre 2020, le Conseil d’administration de la Chambre de Commerce Internationale (CCI) a approuvé le Règlement d’Arbitrage révisé de la CCI (les « Règles de la CCI 2021″), qui remplacera les Règles de la CCI publiées en mars 2017. Le Règlement de la CCI 2021 entrera en vigueur le 1er janvier 2021 et définira et réglementera la gestion des affaires soumises à la Cour Internationale d’Arbitrage de la CCI (la  » Cour de la CCI ») à partir de cette date. Les Règles de la CPI 2017 continueront de s’appliquer pour toutes les affaires enregistrées auprès de la Cour de la CPI avant le 1er janvier 2021.

Comme l’a noté le Président de la Cour de la CCI, Alexis Mourre, « les modifications apportées au Règlement marquent une étape supplémentaire vers une plus grande efficacité, flexibilité et transparence du Règlement, rendant l’arbitrage CCI encore plus attrayant, à la fois pour les grands arbitrages complexes et pour les affaires plus petites. »

Les Règles de la CCI 2021 introduisent des modifications notables et des fonctionnalités innovantes, dont certaines ont récemment été mises en œuvre dans d’autres règles d’arbitrage majeures. La présente note fournit un résumé de ces changements.

Arbitrages multipartites et Multi-contrats

Les règles existantes de la CCI de 2017 offrent un cadre innovant pour la jonction de parties supplémentaires au cours de l’arbitrage et la consolidation des affaires impliquant différentes parties. Les Règles de la CCI de 2021 s’appuient davantage sur ce cadre. Ceci est particulièrement pertinent pour les litiges complexes impliquant plusieurs parties et / ou contrats, tels que ceux qui surviennent dans le secteur de la construction entre employeur, entrepreneur et sous-traitant, et ceux qui surviennent dans le secteur financier entre prêteur, emprunteur et garant.

Un nouvel article 7(5) prévoit que le tribunal arbitral (une fois constitué) peut joindre des parties supplémentaires à la demande de toute partie. Cela est subordonné à ce que cette partie supplémentaire accepte la constitution du tribunal et accepte le mandat. Pour statuer sur une demande de jonction, le tribunal doit tenir compte des circonstances pertinentes, y compris (i) s’il a compétence prima facie sur la partie additionnelle, (ii) le moment de la demande de jonction, (iii) les conflits d’intérêts éventuels et (iv) l’impact de la jonction sur la procédure. En vertu des Règles de la CCI 2017, un tiers ne peut être joint à l’arbitrage après la constitution du tribunal sans le consentement de toutes les parties, y compris le tiers.

Les Règles de la CCI 2021 prévoient également que le Tribunal de la CCI peut regrouper deux arbitrages en instance ou plus en un seul arbitrage, lorsque les arbitrages impliquent des parties différentes et que les réclamations sont faites en vertu de plus d’un contrat, à condition que les conventions d’arbitrage soient les mêmes (article 10 (b)). En vertu des Règles de la CCI 2017, la consolidation des arbitrages basés sur plusieurs contrats n’est possible que si les arbitrages sont entre les mêmes parties.

Le nouveau Règlement révisé de la Cour d’arbitrage international de Londres, qui est entré en vigueur le 1er octobre 2020 (le « Règlement LCIA 2020 »), adopte également une approche plus flexible de la consolidation. Notamment, en vertu de l’article 22.7(ii) du Règlement LCIA 2020, un tribunal arbitral peut regrouper les arbitrages en vertu de conventions d’arbitrage compatibles entre les mêmes parties ou découlant de la même transaction ou série d’opérations connexes. En vertu de la version précédente des Règles de la LCIA, les différends entre différentes parties ne pouvaient être consolidés que si toutes les parties avaient consenti à un tel regroupement.

Arbitrage accéléré

L’une des caractéristiques les plus importantes des Règles de la CCI 2017 a été l’introduction d’une procédure d’arbitrage accélérée avec des barèmes d’honoraires réduits et un calendrier accéléré exigeant que la sentence finale soit rendue dans les six mois suivant la première conférence de gestion des affaires.

L’article 30 et l’annexe VI des Règles de la CPI de 2021 élargissent le champ d’application de cette procédure accélérée en augmentant le seuil de leur demande de retrait de 2 millions de dollars américains en litige à 3 millions de dollars américains. Le droit des parties de se retirer de la procédure accélérée à tout moment a été maintenu.

Les statistiques montrent une demande de procédure accélérée. En 2019, les dispositions relatives à la procédure accélérée s’appliquaient dans 65 cas par opération directe (i.e., aux cas où la convention d’arbitrage a été conclue après le 1er mars 2017 et que le montant en litige n’a pas dépassé 2 millions de dollars américains). Dans seulement 5 de ces 65 cas, les parties ont accepté de se retirer de la procédure. De plus, sur les 50 sentences finales rendues dans le cadre d’une procédure accélérée en 2019, 37 l’ont été dans le délai de six mois.

Avec une proportion importante d’affaires de moindre valeur enregistrées à la CPI (les affaires ne dépassant pas 2 millions de dollars américains représentaient 36.3% des affaires enregistrées en 2019), la CPI s’attend à ce que ce changement augmente le nombre d’affaires soumises à la procédure accélérée, favorisant ainsi le gain de temps et la rentabilité.

Audiences à distance

Les Règles de la CPI de 2021 introduisent une nouvelle disposition concernant les audiences à distance. Cela reflète la pratique moderne de l’arbitrage international, en particulier en réponse aux restrictions découlant de la pandémie de COVID-19.

Cela fait suite à la Note d’orientation de la CPI sur les mesures possibles Visant à Atténuer les effets de la pandémie de COVID-19, qui fournit des orientations concernant l’organisation de conférences et d’audiences à la lumière des considérations liées à la COVID-19, y compris la tenue de telles conférences et audiences à distance.

La question de savoir si un arbitrage convient à une audience à distance est très spécifique aux considérations individuelles de ce différend particulier. La vidéoconférence n’est pas nouvelle dans les procédures arbitrales. À la suite de la pandémie de COVID-19, la question s’est posée de savoir si la tenue d’audiences par vidéo (entièrement virtuelle ou sous une forme hybride partie vidéo et partie physique) devrait devenir une pratique générale. La multiplication rapide des fournisseurs de services technologiques a accéléré le phénomène des audiences à distance et en a mis en évidence les avantages et les inconvénients. À titre d’exemple, les audiences à distance soulèvent des questions de procédure régulière, telles que la question de savoir si les témoins sont coachés ou invités hors écran. Une autre préoccupation est de savoir si le tribunal peut évaluer pleinement la crédibilité d’un témoin dans un contexte virtuel. Certaines parties remettent également en question l’efficacité du contre-interrogatoire des témoins sans l’avantage de la dynamique d’audience en personne et soulèvent des préoccupations au sujet des difficultés de communication avec et au sein de leur équipe juridique dans un cadre virtuel. En même temps, les audiences à distance présentent des avantages, notamment des économies de coûts. Cela est particulièrement vrai pour les petites affaires qui ne justifient pas d’audiences en personne et pour les conférences de gestion de cas.

Un nouvel article 26(1) prévoit qu’un tribunal arbitral peut, après consultation des parties, décider de tenir des audiences à distance par vidéoconférence, conférence téléphonique ou tout autre moyen de communication approprié. L’article 19.2 des Règles de la LCIA 2020 a introduit une disposition similaire permettant aux audiences de se dérouler « en personne ou virtuellement par conférence téléphonique, vidéoconférence ou en utilisant d’autres technologies de communication avec les participants dans un ou plusieurs lieux géographiques. »La référence dans les deux règles à d’autres moyens de communication tient compte des innovations futures dans la technologie de l’audition à distance.

Les modifications apportées aux dispositions relatives aux communications écrites et à la transmission physique de la demande d’arbitrage et à la réponse à la demande d’arbitrage présentent un autre intérêt. Les Règles de la CPI de 2021 prévoient que ces plaidoiries ne doivent être soumises physiquement en plusieurs séries que sur demande d’une partie (articles 3(1), 4(4)( b) et 5(3)). La présomption en faveur des communications et des dépôts électroniques a également été incorporée dans les Règles de la LCIA 2020 (articles 1.3, 2.3 et 4.1). Cette innovation est une étape bienvenue vers une pratique d’arbitrage plus moderne sur le plan technologique et respectueuse de l’environnement.

Arbitrages de traités d’investissement

Les Règles de la CCI 2021 comprennent également deux nouvelles dispositions s’appliquant spécifiquement aux arbitrages de traités d’investissement. Cela reflète le nombre croissant d’affaires de ce type impliquant des États et des parties appartenant à l’État administrées par la CPI ces dernières années.

Un nouvel article 13(6) prévoit que, chaque fois que la convention d’arbitrage est fondée sur un traité et à moins que les parties n’en conviennent autrement, aucun arbitre ne doit avoir la même nationalité que celle d’une partie. Cela suit l’approche adoptée dans la Convention CIRDI (Article 39) et le Règlement d’arbitrage du CIRDI (article 1.3).

Un nouvel article 29(6) (c) précise en outre que les dispositions de l’arbitre d’urgence de la CCI, qui prévoient une procédure permettant aux parties de demander une réparation temporaire urgente en attendant la constitution d’un tribunal arbitral de la CCI, ne sont pas disponibles dans les arbitrages basés sur un traité. Cette disposition codifie la pratique établie de la Cour de la CPI en ce qui concerne les dispositions relatives aux arbitres d’urgence. Contrairement aux Règles de la CCI 2021, le recours à un arbitre d’urgence est autorisé dans les litiges entre investisseurs et États menés en vertu du règlement d’arbitrage de la Chambre de commerce de Stockholm.

Financement par des tiers, Représentation des Parties et Nominations arbitrales

Les Règles de la CCI de 2021 introduisent de nouvelles dispositions sur le financement par des tiers, la représentation des parties et les nominations arbitrales visant à améliorer la transparence, à protéger l’intégrité de la procédure et à garantir l’égalité de traitement des parties.

Reflétant la participation croissante des bailleurs de fonds tiers à l’arbitrage international, un nouvel article 11(7) exige que chaque partie divulgue rapidement « l’existence et l’identité de toute non-partie qui a conclu un arrangement pour le financement de réclamations ou de défenses et en vertu duquel elle a un intérêt économique dans le résultat de l’arbitrage. »Le but déclaré de cette exigence est d’aider les arbitres à se conformer à leurs obligations de divulgation relatives à l’indépendance et à l’impartialité. Cela reflète l’approche actuelle de la CPI. La Note du 1er janvier 2019 de la CCI aux Parties et aux tribunaux arbitraux sur la conduite de l’arbitrage en vertu du Règlement d’arbitrage de la CCI prévoit, en ce qui concerne la divulgation, que « un arbitre ou un arbitre potentiel devrait envisager des relations avec des non-parties ayant un intérêt dans le résultat de l’arbitrage. »Bien que les Règles de la LCIA 2020 ne contiennent pas d’exigence similaire, la version 2018 du Règlement d’arbitrage administré par le Centre international d’arbitrage de Hong Kong prévoit à l’article 44 qu’une partie financée doit divulguer l’existence d’un accord de financement et l’identité du bailleur de fonds tiers, ainsi que toute modification ultérieure de ces informations.

Un nouvel article 17(1) exige que chaque partie à l’arbitrage informe rapidement le Secrétariat de la CCI, le tribunal arbitral et les autres parties de tout changement dans sa représentation. L’article 17(2) dispose que le tribunal arbitral, une fois qu’il a donné aux parties la possibilité de faire des observations, peut prendre toute mesure nécessaire pour éviter un conflit d’intérêts résultant d’un changement de représentation des parties, notamment en excluant le nouveau conseil de participer à la procédure en tout ou en partie. Une disposition similaire a été introduite dans la révision de 2014 des Règles de la LCIA (article 18.4).

Les Règles 2021 de la CCI prévoient en outre que, dans des circonstances exceptionnelles, la Cour de la CCI peut nommer chaque membre du tribunal arbitral si l’application de la convention d’arbitrage des parties entraînerait un risque important d’inégalité de traitement et d’injustice (article 12(9)). Cette disposition permet en pratique à la Cour de ne pas tenir compte des conventions d’arbitrage qui, bien qu’elles ne soient généralement pas opposables, peuvent présenter un risque pour la validité de la sentence en exigeant une procédure de constitution du tribunal qui ne traite pas les parties de manière égale dans les circonstances du différend particulier.

Ce changement reflète le principe retenu dans l’arrêt Dutco de 1992 de la Cour de cassation française, qui concernait un arbitrage CCI initié par une partie à un accord de consortium contre ses deux partenaires du consortium. Les règles de la CPI à l’époque ne contenaient pas de dispositions sur les nominations conjointes par plusieurs parties, et la Cour de la CPI a ordonné aux deux défendeurs, qui avaient des intérêts opposés, de nommer conjointement un arbitre, tout en nommant directement le troisième arbitre. Les intimés ont protesté contre la nomination conjointe et ont finalement présenté une demande d’annulation de la sentence provisoire du tribunal. La Cour de cassation a annulé la décision de la Cour d’appel de Paris qui avait refusé d’annuler la sentence provisoire. La Cour de cassation a estimé que la constitution du tribunal contrevenait à l’ordre public international car elle avait violé le principe de l’égalité de traitement en ce qui concerne le droit des parties de nommer un arbitre.

Conclusion

Avec ces nouvelles dispositions, la CPI renforce sa position d’institution arbitrale mondiale de premier plan en approuvant la pratique établie et en s’adaptant aux nouvelles réalités sociales, y compris par l’utilisation de la technologie. Les Règles de la CCI 2021 s’appuient sur le cadre établi par les révisions de 2012 et 2017 et rendent l’arbitrage CCI encore plus attrayant pour les grands arbitrages complexes et les affaires plus petites.

Avant l’entrée en vigueur du Règlement 2021 le 1er janvier 2021, la CCI publiera une version mise à jour de sa Note aux Parties et aux Tribunaux arbitraux sur la conduite de l’Arbitrage.

Shearman & L’équipe d’arbitrage international de Sterling fournit des conseils et des conseils aux entreprises, avant et tout au long des procédures d’arbitrage, et est largement considérée comme l’une des meilleures du marché. Nous serions heureux de répondre à toutes les questions ou de fournir toute analyse supplémentaire sur les Règles de la CCI 2021.

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